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La protection du logiciel

Par P. Van den Bulck & C. Dubois [McGuireWoods]

Jeudi 14.05.09

Qu’est ce qu’un logiciel ?

Le logiciel appelle une première question qui est celle de sa définition afin de déterminer quel est l’objet de la protection.

Il convient déjà d’apporter une précision d’ordre sémantique puisque si articles traite des « logiciels » pour des raisons de facilité de langage, en réalité, la législation tant européenne que belge utilise le terme « programme d’ordinateur ».

Pour plus d’informations sur la définition du logiciel, veuillez consulter la fiche pratique publiée sur ce site : Qu’est ce qu’un logiciel ?


La protection du logiciel par le droit d’auteur

L’article 2 de la loi belge sur les programmes d’ordinateur dispose qu’« un programme d’ordinateur est protégé s’il est original, en ce sens qu’il est une création intellectuelle propre à son auteur. Aucun autre critère ne s’applique pour déterminer s’il peut bénéficier d’une protection par le droit d’auteur.
La protection accordée par la présente loi s’applique à toute forme d’expression d’un programme d’ordinateur. Les idées et principes à la base de tout élément d’un programme d’ordinateur, y compris ceux qui sont à la base de ses interfaces, ne sont pas protégés par le droit d’auteur
».


A. Le critère de protection d’un programme d’ordinateur

1. La condition d’originalité

L’article 1er alinéa 3 de la directive dispose que pour qu’un programme d’ordinateur soit protégé par le droit d’auteur, il doit constituer une « création propre à l’auteur ».

Sans que cela soit précisé explicitement par la directive, cette formulation correspond en fait au critère de l’originalité, critère essentiel pour toute protection par le droit d’auteur.

Le législateur belge, gêné par cette absence de formulation explicite du critère de l’originalité, a transposé la disposition européenne en affirmant qu’un programme d’ordinateur bénéficie de la protection du droit d’auteur « s’il est original en ce sens qu’il est la création intellectuelle propre à son auteur ».

Le critère d’originalité pour les programmes d’ordinateur doit être appliqué de la même manière que celui appliqué aux autres créations artistiques.

Cependant, il convient tout de même de tenir compte des spécificités techniques du programme d’ordinateur.

En effet, la notion d’originalité d’un programme d’ordinateur doit impliquer que l’œuvre appartienne de manière exclusive à l’auteur et lui est personnelle (cf. Note 1) .

D’autre part, cette œuvre doit représenter l’expression de la personnalité de l’auteur, tant dans « l’arbitraire de l’imagination de l’auteur projetée dans l’œuvre », que dans « les choix opérés par l’auteur pour configurer l’œuvre » (cf. Note 2) (à la condition que ces choix ne soient pas imposés par des contraintes d’ordre technique).


2. Absence de conditions supplémentaires

Le critère d’originalité est le seul requis pour qu’un programme d’ordinateur soit protégé.

La directive et l’article 2 alinéa 1 de la loi de 1994 l’indiquent expressément.

Il n’est pas nécessaire que le programme d’ordinateur présente une certaine nouveauté.

Par ailleurs, aucune condition de forme comme un dépôt, n’est requise puisque le droit d’auteur n’a besoin d’aucune formalité particulière pour s’acquérir.

Toutefois, un dépôt peut s’avérer très utile pour prouver l’antériorité du programme d’ordinateur ou pour un accès au code source.


B. L’étendue de la protection

1. Le principe

Dans la mesure où le droit d’auteur protège la mise en forme d’une idée et non l’idée, elle-même, la loi sur les programmes d’ordinateur rappelle que la protection accordée aux programmes d’ordinateur concerne la forme d’expression et non l’idée.

D’ailleurs la directive au considérant 14 précise que:

« Les idées et principes qui sont à la base de la logique, des algorithmes et des langages de programmation ne sont pas protégés en vertu de la présente directive ».


2. L’application de cette protection

a. Les algorithmes et les langages de programmation

L’algorithme est un ensemble de règles ou de processus bien déterminés pour la solution d’un problème en une série finie d’étapes.

C’est une des pièces maîtresses d’un programme d’ordinateur.

Toutefois, sa protection est controversée car il s’agit en fait d’une formule mathématique.

Par conséquent, l’algorithme relève plus de l’idée que de la forme. On pourrait les comparer à des mots utilisés par un écrivain ou un poète pour mettre en forme son œuvre. Ils sont donc la base de toute création de programmes d’ordinateur.

Cependant, certains algorithmes peuvent se construire et se combiner et donc dans ce cas, la protection du droit d’auteur n’est pas exclue.


b. Les interfaces

Les interfaces sont les éléments du programme, destinés à permettre la communication entre le programme lui-même et les autres éléments d’un système informatique d’une part (interface interne avec le hardware) et avec les utilisateurs du programme d’autre part.

Les interfaces ne sont ni exclues d’office de la protection ni automatiquement protégées.

Elles ne bénéficient d’une protection que dans la mesure où elles constituent une forme originale d’expression.


La protection du logiciel par le droit des brevets

A coté du droit d’auteur, d’autres moyens de protection existent.

L’article 9, 1 de la directive est très clair à ce propos :

« Les disposition de la présente directive n’affectent pas les autres dispositions légales concernant notamment les brevets, les marques, la concurrence déloyale, le secret des affaires, la protection des semi-conducteurs ou le droit des contrats ».

On en déduit que le cumul des protections est permis et que le programme d’ordinateur peut être protégé par les six moyens évoqués dans cet article.

Dans la mesure où le programme d’ordinateur s’apparente à un mécanisme ayant un fonctionnement technique, il peut rentrer dans le domaine des innovations techniques couvertes par le droit des brevets.

Toutefois, en Europe, les programmes d’ordinateur en tant que tels sont exclus de la brevetabilité.

Aux Etats-Unis, alors que la protection par brevet était largement répandue, celle-ci semble à présent se réduire, les tribunaux ayant tendance à imposer de nouveaux critères concernant la brevetabilité des programmes d’ordinateur.


A. La brevetabilité des programmes d’ordinateur en droit belge et européen

Le premier obstacle à franchir pour accéder à la protection par brevet, est l’exclusion légale du programme d’ordinateur de la catégorie des inventions brevetables.

En effet, la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur le brevet européen, ne dit pas ce qu’est une invention brevetable mais dit ce qu’elle n’est pas.

L’article 52 § 2 et 3 énoncent que :

« Ne sont pas considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1er notamment :
(…)
c) les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que les programmes d’ordinateur (…)

3. Les dispositions du paragraphe 2, n’excluent la brevetabilité des éléments énumérés audites dispositions que dans le mesure où la demande de brevet européen ne concerne que l’un de ces éléments, considéré en tant que tel
».

Dès lors, cette exclusion peut être contournée puisque seuls les programmes en tant que tels sont exclus de cette protection.

L’exclusion semble en fait justifiée par l’absence de caractère technique d’un programme d’ordinateur. En effet, toutes les autres catégories, exclues de la qualification d’invention brevetable, ont toutes un caractère abstrait ou non technique.

Par conséquent, un programme d’ordinateur pourra accéder à la protection des brevets s’il est démontré que le programme remplit la condition de technicité. Plus exactement, selon la doctrine de l’Office Européen des brevets, un logiciel sera brevetable si sa mise en œuvre engendre un « effet technique supplémentaire », c’est-à-dire un effet allant au-delà des interactions physiques normales, comme le courant électrique (par exemple une communication plus rapide entre deux téléphones portables).

Ceci dit, la protection ne sera accordée que si les autres conditions classiques pour la brevetabilité sont rencontrées, à savoir, l’invention :

- doit être nouvelle ;

- doit impliquer une activité inventive ;

- doit être susceptible d’application industrielle.


B. Le droit américain

Aux Etats-Unis, la protection par brevet est possible pour les inventions liées aux programmes d’ordinateur.

Toutefois, même aux Etats-Unis, cette protection semble se réduire progressivement comme en atteste une décision récente du Federal Circuit dans une affaire « In re Bilski » du 30 octobre 2008.

En effet, dans cette affaire, les juges ont décidé que les pures « business methods » étaient exclues de la brevetabilité.

Les juges américains ont également mis en place le test dit « de la machine ou de la transformation », posant ainsi de nouvelles conditions pour qu’un procédé soit brevetable en vertu du paragraphe 101 du Patent Act.

Dans cette affaire, le Federal Circuit a décidé que pour être brevetable, un procédé devait soit être implanté dans une machine, soit transformer quelque chose.

Avant cette décision, pour breveter un procédé, il fallait simplement décrire le procédé comme un procédé utile, tangible (palpable) et concret.

Par conséquent, les logiciels en tant que tels qui ne sont pas inclus dans une machine spécifique et qui n’entraînent pas une modification de quelque chose en un état différent, ne sont plus brevetables.

La Cour Suprême devra certainement se pencher sur cette affaire, dont l’issue est très attendue aux Etats-Unis.



Paul Van den Bulck (Avocat associé au cabinet McGuireWoods Bruxelles)

Caroline Dubois (Avocat au cabinet McGuireWoods Bruxelles)


Notes:

(1) Cette interprétation est tirée de l’expression du terme «propre à son auteur ».

(2) « Le droit d’auteur, du logiciel au multimédia, droit belge, droit européen, droit comparé », A. Strowel, J.P. Triaille ; éd. 1997, Bruylant, p. 150-151.


Source : DroitBelge.Net - En pratique - 14 mai 2009


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