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La loi relative à la continuité des entreprises

Par Michel Forges

Vendredi 30.01.09

La loi du 17 juillet 1997 relative au concordat judiciaire vit ses derniers instants : sous réserve de son application aux procédures en concordat judiciaire en cours, la loi sur le concordat judiciaire sera abrogée dès l’entrée en vigueur de la loi sur la continuité des entreprises, qui devrait elle-même entrer en vigueur à une date à déterminer par le Roi, mais au plus tard six mois après sa toute prochaine publication au Moniteur belge. (NDLR: [UPDATE] Publication au M.B. du 09 février 2009)

La nouvelle procédure ne fait pas table rase du passé ; un lecteur non averti pourrait penser, à première vue, que le législateur aurait, une fois de plus, fait du neuf avec du vieux.

Mais un examen attentif révèle que la loi va plus loin et met de nouveaux outils à la disposition des entreprises, de leurs créanciers et du tribunal de commerce. La loi nouvelle ne se limite pas, en effet, à substituer la "procédure de réorganisation judiciaire" à la "procédure de concordat" : elle étend les remèdes possibles, tente de concilier les effets d’une procédure de « chapter 11 » et les intérêts des créanciers, et refuse de voir dans la faillite la seule issue possible de l’échec d’une réorganisation.

La loi nouvelle comprend 86 articles, répartis en huit titres ; nous en livrons un bref commentaire non exhaustif.


Conditions d’application

La procédure peut être ouverte dès que la continuité de l'entreprise est menacée, à bref délai ou à terme, et lorsque tout, ou partie, de son activité est susceptible d'être maintenue.

L’entreprise peut être une société ou une personne physique ; lorsqu’il s’agit d’une société, il suffit que les pertes aient réduit l’actif net à moins de la moitié du capital social pour que la continuité de l’entreprise soit tenue pour menacée.


Néo-commercialité et innovations terminologiques

Le champ d’application de la loi excède les bornes de la commercialité classique, déjà mise à mal par d’autres législations : les commerçants et les sociétés commerciales, les sociétés agricoles et même les sociétés civiles (sauf celles qui exercent une profession libérale) peuvent en bénéficier.

Des définitions nouvelles sont énoncées: le « créancier sursitaire ordinaire », « le créancier-propriétaire », l’« établissement principal », et même le « tribunal » reçoivent une signification spécifique à laquelle il conviendra de se familiariser.


La collecte des données et les enquêtes commerciales d’une part, la possibilité de désigner un « médiateur d’entreprise » d’autre part

Les règles qui régissent actuellement le dépistage (la collecte des « clignotants ») et les enquêtes commerciales sont reprises.

Mais la loi innove en créant un médiateur d’un nouveau type : le « médiateur d’entreprise », dont le débiteur peut solliciter la désignation pour faciliter la réorganisation de son entreprise et dont la mission peut être plus ou moins étendue.


L’accord amiable

Le débiteur peut désormais proposer à ses créanciers ou à certains d’entre eux un « accord amiable », qui demeurera opposable aux créanciers et au curateur en cas de faillite.


La réorganisation judiciaire

La réorganisation judiciaire tend à accorder un sursis, soit pour permettre la conclusion d’un « accord amiable », soit pour déterminer un accord des créanciers sur un plan de réorganisation, soit pour permettre le transfert de tout ou partie de l’entreprise.

La procédure est introduite par le dépôt d’une requête qui ressemble fort à la requête en concordat actuelle, et dont les effets sont comparables :

- le débiteur ne peut être déclaré en faillite tant que le tribunal n’a pas statué sur la requête ;

- les voies d’exécution sont suspendues ;

- les codébiteurs et cautions ne sont pas protégés et peuvent toujours être poursuivis, sous réserve de l’application des dispositions du code civil relatives au cautionnement à titre gratuit.

L’état de faillite ne fait pas obstacle en soi à l’ouverture ou à la poursuite de la procédure.


Trois grands types de réorganisations

La loi prévoit trois types de réorganisations, qui sont susceptibles de se combiner, successivement ou simultanément :

- la réorganisation par accord amiable sous supervision judiciaire ;

- la réorganisation par accord collectif, c’est-à-dire le concordat au sens de la législation actuelle ;

- la réorganisation par transfert sous autorité de justice.

Le commissaire au sursis disparaît et du même coup l’aspect souvent jugé trop coûteux de la procédure. C’est le « juge délégué » qui sera désormais chargé de faire rapport au tribunal sur la recevabilité et le fondement de la demande, de veiller au respect de la loi et de tenir le tribunal informé de la situation du débiteur.

Le débiteur restera en outre seul maître de la gestion de son entreprise, en principe (à la demande du débiteur ou d’un tiers intéressé, un mandataire de justice pourra être désigné pour assister le débiteur dans sa réorganisation ; la désignation d’un administrateur provisoire est également possible).


Des simplifications et une volonté de mettre fin aux controverses

La loi nouvelle réalise de nombreuses simplifications ou clarifications (certains regretteront que le mot « concours » ne soit pas employé, ne fût-ce que pour préciser que la réorganisation judiciaire n’est pas un cas de concours des créanciers).

Par exemple, la procédure de déclaration de créances est accélérée.

La loi met fin à l’inopposabilité des conditions résolutoires pour cause de concordat ou à la possibilité pour le tribunal de déclarer d’office la faillite en cas d’échec du concordat.

La loi clarifie également le régime de la compensation, le sort de l’action directe du sous-traitant et le régime des créances fiscales.

La loi précise davantage les diverses étapes de la procédure, en ce compris les modalités du vote des créanciers sur le plan de réorganisation.

Enfin, elle met fin à la pénalisation fiscale qui frappait les économies réalisées par le débiteur lors de la renonciation de ses créanciers à tout ou partie de leur dû.


Le transfert sous autorité de justice

Plus de dix articles sont consacrés au transfert sous autorité de justice de tout ou partie de l’entreprise ou de ses activités.

Ces articles précisent notamment :

- la nécessaire nomination d’un mandataire de justice pour organiser et réaliser le transfert ;

- les mesures protectrices des droits des travailleurs et les conditions dans lesquelles les contrats de travail pourraient le cas échéant être modifiés ;

- les mesures protectrices des droits du créancier hypothécaire ou gagiste sur fonds de commerce ;

- l’issue de la procédure de réorganisation, couplée à la dissolution immédiate de la personne morale et à l’éventuelle décharge de tout passif, pour la personne physique ;

- le sort des cautions.


Conclusion : de nouveaux espoirs

La loi nouvelle donne de nouveaux espoirs, et vient au bon moment, pour appuyer une lutte nécessaire contre l’accroissement du nombre de faillites.

En permettant l’intervention d’un médiateur et la conclusion d’accords, la loi rend possible l’adoption de solutions pragmatiques, adaptées aux situations individuelles : une entreprise en difficulté n’est pas l’autre, et les difficultés d’une PME, ou d’un commerçant isolé, exerçant son activité en personne physique, ne commandent pas nécessairement les mêmes solutions que celles d’une grande société qui fait appel à de nombreux travailleurs.

Mais la loi n’est pas tout : il importe maintenant que les acteurs de terrain retroussent leurs manches et utilisent les nouvelles normes à des fins constructives.



Michel FORGES
Avocat spécialiste en droit des saisies et des sûretés
Médiateur civil et commercial agréé
Chargé d’enseignement à l’Université de Mons
Juge suppléant au Tribunal de commerce de Bruxelles

FABER INTER - LAW FIRM





Source : DroitBelge.Net - Actualités - 30 janvier 2008


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