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Réforme de la fiscalité des droits d´auteur et des droits voisins

Par François Collon [Dal & Veldekens]

Jeudi 06.11.08


Une loi du 16 juillet 2008, publiée au Moniteur belge du 30 juillet 2008 et entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (sic), a profondément réformé la fiscalité des droits d’auteur et des droits voisins.

L’objectif poursuivi par les nouvelles dispositions légales introduites est de regrouper tous les revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteurs et de droits voisins sous une seule qualification et donc de les considérer comme des revenus mobiliers soumis à un précompte mobilier libératoire de 15%, dans la mesure où ils ne dépassent pas le montant de 37.500 euros (49.680 euros, montant indexé pour l’exercice d’imposition 2009). Au-delà de ce montant, la qualification change et ces revenus sont soumis au régime fiscal des revenus professionnels.


Champ d’application : revenus de droits d’auteur et de droits voisins

L’article 17, §1er, 5° nouveau du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après « CIR 92 ») se réfère aux « revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d'auteur et de droits voisins, ainsi que des licences légales et obligatoires, visés par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins ou par des dispositions analogues de droit étranger ».

La loi du 30 juin 1994 définit le droit d’auteur comme, notamment, le droit pour l’auteur d’une œuvre littéraire ou artistique de la reproduire ou d’en autoriser la reproduction, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, qu’elle soit directe ou indirecte, provisoire ou permanente, en tout ou en partie.

Le droit d'auteur protège les œuvres littéraires et artistiques. La législation ne définit pas ces notions mais en fournit une liste exemplative. Il s'agit, pour faire bref, de toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu'en soit le mode ou la forme d'expression.

Les droits voisins du droit d'auteur protègent des catégories de personnes qui, soit exécutent ou interprètent des œuvres littéraires ou artistiques (les artistes-interprètes ou exécutants), soit produisent la première fixation de sons (producteurs de phonogrammes) ou de séquences animées d'images (producteurs de premières fixations de films), soit radiodiffusent des émissions (organismes de radiodiffusion), soit encore produisent des bases de données (producteurs de bases de données).

Les revenus de droits d’auteur et de droits voisins provenant de l’étranger sont également visés par le nouvel article 17, § 1er, 5° du CIR 92.


Nouveau régime fiscal

A compter du 1er janvier 2008, tous les droits d’auteur qui ne dépassent pas une somme annuelle de 37.500 euros (montant de base. Après indexation : 49.680 euros pour l’exercice d’imposition 2009) sont considérés par la loi comme des revenus mobiliers et non plus comme des revenus professionnels.

Au lieu d’être taxés aux taux progressifs par tranches de l’impôt des personnes physiques (qui atteignent vite le taux maximum de 50 %), ils subissent une taxation forfaitaire au taux de 15 % seulement.

Ces revenus sont soumis à l’application du précompte mobilier libératoire qui tient donc lieu d’impôt définitif. Après application de ce précompte, le contribuable n’est donc plus tenu de mentionner le revenu dans sa déclaration fiscale. Les modalités pratiques de perception de ce précompte devraient encore être précisées par arrête royal.

L’impôt (ou le précompte mobilier libératoire) est calculé sur le montant imposable net des droits d’auteur c’est-à-dire après application du forfait pour charges.

Ce forfait, qui est prévu à l’article 4, 1° nouveau de l’arrêté d’exécution du CIR 92, s’établit comme suit : 50 % de la première tranche de 10.000 euros et 25 % de la tranche de 10.000 euros à 20.000 euros.


Problèmes pratiques d’application du nouveau régime

Plusieurs problèmes pratiques sont apparus à la suite de l’entrée en vigueur rétroactive, au 1er janvier 2008, de la loi du 16 juillet 2008.

Ils concernent principalement la retenue du précompte mobilier.

Comment concevoir, en effet, que les débiteurs de revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteurs et des droits voisins retiennent, à partir du 30 juillet 2008 (date de publication de la loi), un précompte mobilier sur les revenus qu’ils ont versés depuis le 1er janvier 2008 jusqu’à la date du 30 juillet 2008 ? Ces revenus ont été versés sans la moindre retenue de précompte et il est difficilement concevable de procéder rétroactivement à une telle retenue.

Par ailleurs, un auteur peut récolter des revenus auprès de plusieurs personnes différentes. Sur quelle base chacune d’elles doit-elle calculer le précompte à retenir ? Doit-elle considérer, vis-à-vis de cet auteur, qu’elle est la seule débitrice de ces revenus et appliquer intégralement le forfait de charges ? On ne voit guère d’autre solution, dès lors qu’il est difficilement concevable qu’elle interroge chacun des bénéficiaires des revenus auxquels elle a affaire afin de connaître avec précision le montant de revenus qui résultent de la cession ou de la concession de droits d’auteurs ou de droits voisins qu’ils auront recueilli pendant l’exercice d’imposition.

Ces problèmes pratiques devraient être rencontrés et résolus dans un prochain arrêté royal d’exécution de la loi du 16 juillet 2008.


Conclusions

On ne peut que se réjouir de cette réforme de la fiscalité des droits d’auteur et des droits voisins en ce qu’elle aboutit à réduire considérablement la charge fiscale sur les revenus qui résultant de la cession ou de la concession de tels droits.

Imaginons un auteur qui récolte en moyenne 10.000 euros de droits annuellement. Au lieu d’être taxé à 50 % sur cette somme, comme il l’était probablement dans le passé, et de payer un impôt de 5.000 euros, il a la possibilité de déduire un forfait de charges de 50 % et n’est imposé qu’à un taux de 15 %. L’impôt ne s’élève donc qu’à 750 euros, soit un gain fiscal non négligeable par rapport à la situation antérieure de 4.250 euros.

Il faut souhaiter néanmoins que des précisions soient données très prochainement sur la manière dont la loi doit être appliquée en pratique, notamment quant à la retenue du précompte mobilier.



François Collon (fco@dalvel.com)
Avocat
Dal & Veldekens (www.dalveldekens.com)






Source : DroitBelge.Net - Actualités - 6 novembre 2008


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