Imprimer cet article


Une crise des subprimes est-elle possible au Luxembourg ?

Par Jean Brucher [Brucher & Associés]

Jeudi 24.07.08

Introduction

La crise mondiale engendrée par les excès du système nord-américain de crédit hypothécaire, généralement appelée « crise des subprimes », nous amène tout naturellement à nous poser la question de savoir si le cadre légal réglant l’attribution de crédit dans notre pays et plus particulièrement, de prêts hypothécaires, seraient à même d’éviter le développement d’une telle crise au Grand-Duché de Luxembourg.

Il est intéressant pour les besoins de cet exercice d’examiner et de résumer brièvement les principales causes du développement de cette véritable catastrophe financière économique et sociale aux Etats-Unis et dans le monde.

Il apparaît ainsi que la crise de subprimes résulte de la combinaison, d’une part, de prêts hypothécaires accordés à des débiteurs déjà fortement endettés et donc peu solvables, sinon insolvables, à des conditions contractuelles dangereuses pour ces consommateurs et dont le remboursement était fondé sur une hausse espérée du marché immobilier, et d’autre part, de la titrisation de ces créances ainsi que de crédits à la consommation, qui a eu pour conséquence la dissémination aux quatre coins de la planète des dégâts causés par les défauts de remboursement de ces crédits et prêts, tout en précipitant un grand nombre de petits propriétaires dans la déchéance.

Parmi les causes de ce marasme financier et social, on peut distinguer trois explications essentielles :

- le comportement extrêmement douteux d’intermédiaires qui ont cédé des prêts hypothécaires à des banques moyennant commissions sans participer à la prise de risque inhérente à chaque crédit et l’attitude extrêmement agressive et imprudente des instituts financiers nord-américains, qui ont acquis ces prêts respectivement ont accordé des prêts à des emprunteurs dont la capacité de remboursement était insuffisante, pour les céder ultérieurement, notamment par voie de titrisation, en se déchargeant du risque afférent.

- l’octroi de tels prêts à ces emprunteurs effectué sans informer ceux-ci des risques qui les menaçaient en cas de hausse des taux d’intérêts, ou de baisse du marché immobilier.

- les prêts en question ont été accordés dans un premier temps à des conditions contractuelles extrêmement alléchantes pour les emprunteurs qui se voyaient exposés ultérieurement à des augmentations de taux débiteurs et à un durcissement de leurs conditions de remboursement extrêmement sévères.

La question est donc de savoir si la loi luxembourgeoise, ainsi que la jurisprudence prévoient suffisamment de garde fous de possibilités d’indemnisation et de sanctions pouvant être invoqués par les particuliers afin que ceux-ci ne puissent se retrouver dans une situation inextricable d’engagement dépassant leurs moyens financiers à l’instar des nombreux particuliers d’outre atlantique qui ont formé la vague de débiteurs insolvables ayant contribué à mettre en œuvre l’engrenage de la crise des subprimes.

Ceci nous amènera donc à examiner d’une part d’encadrement légal du crédit hypothécaire et du crédit à la consommation au Grand-Duché de Luxembourg et d’autre part l’existence de palliatifs et de moyens d’indemnisation pouvant être invoqués par les parties à un contrat de crédit.


I. L’encadrement légal


1. Régime juridique

Tant le prêt à la consommation que le prêt immobilier (et/ou hypothécaire), en ce qu’il portent tous deux sur des choses consomptibles, en l’espèce des devises, sont régis par les articles 1892 à 1914 du Code civil (article 1892 du Code civil).

Ils entrent tous deux dans la catégorie du prêt de consommation (ou simple prêt) (art. 1892 à 1904 du Code civil) et, puisqu’ils portent souvent, mais pas nécessairement, intérêts, ils entrent également dans la catégorie du prêt à intérêts (art. 1905 à 1914 du Code civil).

Lorsque ces prêts sont conclus entre un consommateur et un professionnel, ils sont également soumis à des règles spécifiques destinées à protéger plus avant le consommateur, réputé partie faible au contrat, en plus des règles du Code civil (notamment, la Loi du 25 août 1983 relative à la protection du consommateur, la Loi du 9 août 1993 réglementant le crédit à la consommation, la Loi du 18 décembre 2006 sur les services financiers à distance ou encore la Recommandation 2001/193/CE de la Commission).


2. La négociation du crédit


A. L’information préalable


1. Les règles générales du Code civil

Le Code civil contient certaines dispositions obligeant, d’une manière générale, les futurs cocontractants à s’informer mutuellement.

En effet, la personne qui masque sciemment la vérité, voire même seulement omet de donner certaines informations, commet un dol dans la première hypothèse, mais surtout, dans les deux hypothèses, commet une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle. Au surplus, le défaut d’information permettra au cocontractant victime d’exciper une cause de nullité.

Ensuite, les articles 1134 et 1135-1 du Code civil précisent que la bonne foi oblige les négociants à informer leur futur cocontractant, notamment en précisant que « les conditions générales d'un contrat préétablies par l'une des parties ne s'imposent à l'autre partie que si celle-ci a été en mesure de les connaître lors de la signature du contrat et si elle doit, selon les circonstances, être considérée comme les ayant acceptées »


2. Les règles spécifiques des lois particulières

Les règles spécifiques des lois particulières insistent tout particulièrement sur l’obligation d’information (règlement grand-ducal du 7 septembre 2001, article 4, §§ 2 et 3 de la loi du 9 août 1993 et article 3 de la recommandation de la commission 2001/193/CE du 1er mars 2001 relative à l’information précontractuelle devant être fournie aux consommateurs par les prêteurs offrant des prêts au logement).

Cette obligation, en vertu de l’article 1er du règlement grand-ducal du 7 septembre 2001 relatif à l’indication des prix des produits et services, « impose à tout professionnel, qu’il soit vendeur de biens ou prestataire de services, d’informer le consommateur des prix des produits ou services qu’il offre, par voie de marquage, étiquetage, affichage ou tout autre procédés approprié ».

L’article 9 du règlement grand-ducal du 7 septembre 2001, quant à lui précise le contenu de l’obligation d’information incombant à tous les professionnels et prestataires de services luxembourgeois (à l’exception des professions libérales) dont notamment le banquier.

La loi du 9 août 1993 règlementant le crédit à la consommation précise que le contrat doit être constaté par écrit (« en autant d’exemplaires qu’il y a de parties contractantes ayant un intérêt distinct » (art. 5 de la Loi du 9 août 1993) et ajoute, que le consommateur reçoit (nécessairement) un exemplaire du contrat écrit) et qu’il doit mentionner « l’identité, l’adresse et la qualité de l’annonceur ; la forme de crédit qu’il concerne ; les conditions particulières ou restrictives auxquelles le crédit à la consommation peut être soumis ; et le taux annuel effectif global » (art. 4, §2, al. 1er de la Loi du 9 août 1993).

A défaut de comporter la mention du taux annuel effectif global, l’information doit indiquer « le coût total du crédit au moyen d’un exemple représentatif » (article 4, §2, al. 2). L’article 4, ajoute en son §3 qu’ « est interdite toute publicité, ou toute offre affichée dans les locaux commerciaux, comportant la mention « crédit gratuit » ou une mention équivalente ».

Enfin, en matière de « prêt au logement », la recommandation 2001/193/CE de la Commission oblige le prêteur à fournir des informations à caractère général et des informations personnalisées (reprises en annexes I et II de la recommandation).


B. Le consentement non vicié

Le Code Civil prévoit d’autre part que pour que le prêt et ses conditions soient valables, le consentement des deux parties doit être non seulement libre et éclairé, mais également exempté de vices.

L’article 1907-1 du Code Civil permet ainsi au juge sur demande de l’emprunteur de réduire les obligations de celui-ci dans le cas où le prêteur s’est fait promettre un intérêt excessif compte tenu des risques du prêt à condition que la demande soit introduite endéans un délai d’un an à partir du jour des paiements respectifs.

De même, l’article 1135-1 du Code Civil permets au consommateur de demander l’annulation du contrat de crédit dans tous les cas où il n’a pas été même de prendre connaissance des conditions générales de ce contrat, respectivement d’une clause de ces conditions générales lorsque ces clauses doivent être considérées comme préétablies, ce qui est le cas de la plupart des conditions générales des établissements bancaires.

Il y a lieu de noter que le consommateur bénéficie d’une possibilité de remettre en cause le contrat de crédit en demandant l’annulation du contrat s’il peut prouver l’existence d’un vice de consentement.


C. L’interdiction des clauses abusives

La loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur définit quelles clauses, de tous contrats conclus entre un consommateur et un professionnel, sont abusives et partant, réputées nulles et non écrites (art. 1er).

La loi ajoute en son article 1, al. 2 et 3 que « le caractère abusif d’une clause peut s’apprécier également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre » et qu’ « en cas de doute sur le sens de la clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut ».

La loi établit en son article 2 une liste de clauses considérées comme abusives en soi telle que par exemple :

- les clauses interdisant au consommateur de suspendre en tout ou en partie le versement des sommes dues si le banquier ne rempli pas ses obligations ;

- les clauses par lesquelles le banquier se réserve le droit de modifier ou de rompre unilatéralement le contrat sans motif spécifique et valable stipulé dans le contrat ;

- les clauses imposant au consommateur un délai anormalement court pour faire des réclamations au professionnel ;

- les clauses imposant au consommateur la charge de la preuve incombant normalement aux professionnels, etc., etc.

La loi prévoit la possibilité pour le consommateur de demander au président de la chambre du tribunal d’arrondissement de constater le caractère abusif d’une clause d’une combinaison de clauses et de les annuler.


3. L’exécution du contrat de prêt


A. Le terme stipulé ou le pouvoir du juge


1. Les règles générales du Code civil

Selon l’enseignement tiré du Code civil, le terme, s’il en a été stipulé un, doit être respecté (article 1899 du Code civil). A défaut de terme exprès, le juge pourra, suivant les circonstances, suppléer à l’oubli des parties (article 1900 du Code civil). Le juge fixera les termes et délais suivant les circonstances lorsqu’ « il aura été seulement convenu que l’emprunteur paierait quand il le pourrait, ou quand il en aurait les moyens » (article 1901 du Code civil).

Corrélativement, « l’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées en même quantité et qualité, et au terme convenu » (article 1902 du Code civil). A défaut de quoi, il devra en sus les intérêts « du jour de la sommation ou de la demande en justice » (article 1904 du Code civil).

Mais qu’en est-il si l’une des parties, à savoir l’emprunteur, ne respecte pas ses obligations ?

Selon les circonstances et à défaut de pouvoir recourir à l’exécution forcée, le banquier dispensateur de crédit peut se voir contraint de demander la résolution judiciaire ou de mettre en œuvre la clause résolutoire expresse, voire de résoudre unilatéralement le contrat de prêt qui le lie à l’emprunteur (consommateur, mais pas nécessairement).

Dans ce contexte, il y a lieu de mentionner la Loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur qui en son article 2, 4° stipule que « les clauses par lesquelles le professionnel se réserve le droit […] de rompre unilatéralement le contrat sans motif spécifique et valable stipulé dans le contrat » sont des clauses abusives, et partant qu’elles doivent conformément à l’article 1er être considérées comme nulles et non écrites. Ainsi, non seulement les motifs de rupture doivent être stipulés dans le contrat, mais en outre ces motifs doivent être valables.


2. Les règles spécifiques des lois particulières

En matière de crédit à la consommation, l’article 5 de la Loi du 9 août 1993 réglementant le crédit à la consommation impose que les contrats de crédit soient établis par écrit et qu’ils contiennent l’indication de la durée du crédit (voyez supra). Il nous faut préciser, que la Loi du 9 août 1993 n’a pas trait au crédit immobilier (et/ou hypothécaire), mais uniquement au crédit à la consommation.

En matière de crédit immobilier (et/ou hypothécaire), ou plutôt de « prêt au logement », la recommandation 2001/193/CE de la Commission, en ses annexes I et II, invite le prêteur à informer le consommateur de la durée du contrat de prêt au logement, le nombre et la périodicité des versements (cette indication peut varier), le cas échéant des frais additionnels non récurrents (par ex : des frais administratifs, des honoraires juridiques, des frais d’expertise du bien immobilier,…), des frais additionnels récurrents (par ex : l’assurance défaut de paiement, l’assurance incendie, l’assurance immeuble et contenu,…) et, s’il en existe une, de la possibilité de remboursement anticipé (en précisant les conditions pour ce faire et les frais imputables).


B. Taux fixe ou variable ? – Taux légal ou conventionnel ? – Quel taux ?


1. Les règles générales du Code civil

L’article 1905 du Code civil permet que des intérêts soient stipulés. L’article 1907, al. 2 et 3, du Code civil stipule que « le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit » et qu’ « à défaut d’un taux d’intérêt déterminé ou déterminable par une clause spéciale de la convention de prêt ou en vertu d’un usage bancaire, ce taux sera le taux d’intérêt légal et il ne sera dû par l’emprunteur aucune somme à titre de commission ou de rémunération accessoires ».

Il s’agit là d’une obligation prescrite pour la validité même de la stipulation d’intérêt, de plus tout changement de taux doit faire l’objet d’une information écrite individuelle, une annonce par voie de presse étant insuffisante (Cour, 4 novembre 1992, Pas. 29, p. 25).

Au surplus, l’article 1907-1 du Code civil prévoit la réduction de l’intérêt qui excède manifestement l’intérêt normal, compte-tenu de la couverture des risques du prêt et qui a été consenti lorsque le prêteur a abusé sciemment de la gêne, de légèreté ou de l’inexpérience de l’emprunteur.

Ajoutons, que l’article 494 du Code pénal punit d’un mois à un an de prison et/ou de 4000 francs à 40 000 francs d’amende « quiconque aura habituellement fourni des valeurs, de quelque manière que ce soit, à un taux excédant l'intérêt légal et en abusant des faiblesses ou des passions de l'emprunteur ».


2. Les règles spécifiques des lois particulières

En plus des règles du Code civil, nous devons mentionner les règles spécifiques contenues dans les lois particulières (en matière de crédit à la consommation) et le droit européen (en matière de « prêt au logement »).

D’abord, la loi du 9 août 1993 réglementant le crédit à la consommation (qui, rappelons-le, ne s’applique pas en matière de crédit immobilier (et/ou hypothécaire)), qui en son article 5, §2 stipule que tout contrat de crédit doit être non seulement établi par écrit, mais qu’en sus il contienne « a) l’indication du taux annuel effectif global et des conditions dans lesquelles ce taux peut être modifié ; b) l’indication du montant ou du plafond éventuel du crédit ; c) l’indication de la durée du crédit ; d) l’indication des modalités de remboursement du crédit, notamment quant au montant, au nombre, à la périodicité ou aux dates des versements à effectuer par le consommateur pour rembourser le crédit et pour payer les intérêts et les autres frais ; e) l’indication d’autres conditions essentielles pour autant qu’elles sont déterminées par un règlement grand-ducal ».

Le règlement grand-ducal du 3 avril 1996 complétant les conditions essentielles à faire figurer dans le contrat de crédit à la consommation ajoute, en son article 1er, que le contrat doit également contenir : « 1. Un relevé du montant, du nombre et de la périodicité ou des dates des versements que le consommateur doit effectuer pour rembourser le crédit et payer les intérêts et autres frais, ainsi que le montant total de ces versements lorsque cela est possible. 2. Un relevé des éléments de coût visés à l’article 2 du règlement grand-ducal du 26 août 1993 déterminant la méthode de calcul du taux annuel effectif global, à l’exception des frais liés au non-respect des obligations contractuelles, qui ne sont pas compris dans le calcul du taux annuel effectif global, mais qui incombent au consommateur dans certaines conditions, ainsi qu’une liste précisant ces conditions. Si le montant exact de ces composantes est connu, il est indiqué ; sinon, soit une méthode de calcul, soit une estimation la plus réaliste possible doit être fournie, lorsque cela est possible ».

Ensuite, la recommandation 2001/193/CE de la Commission qui, précisons-le, ne s’applique qu’en matière de « prêt au logement » (notions que nous avons déjà définies par ailleurs). La recommandation, en son annexe stipule que les types de taux d’intérêts (fixe, variable ou combinaisons des deux) doivent figurer dans les informations à caractère général et en son annexe II détail l’obligation d’information.


C. L’anatocisme

La loi luxembourgeoise prohibe en principe la capitalisation des intérêts en matière de crédits bancaires sous réserve de certaines exceptions.

Ainsi l’article 1154 du Code Civil stipule :

« Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ».

L’anatocisme, ou capitalisation des intérêts, peut en effet avoir un effet exponentiel. Il faut néanmoins qu’il s’agisse d’intérêts dus pour une année au moins (Art. 1154 du Code civil, voyez en ce sens Cour, 13 mars 1934, Pas. 13, p. 240 et Diekirch, 24 novembre 1898, Pas. 5, p. 35).

A cela s’ajoute qu’il ne peut sortir ses effets que s’il a été demandé en justice ou s’il a fait l’objet d’une convention spéciale entre les parties.


II. Les palliatifs et les moyens d’indemnisation


1. Un palliatif : Le règlement collectif des dettes

La Loi du 8 décembre 2000 a institué au Luxembourg « une procédure de règlement collectif des dettes, destinée à redresser la situation financière du débiteur en lui permettant de payer ses dettes, tout en lui garantissant, ainsi qu’à sa communauté domestique, la possibilité de mener une vie conforme à la dignité humaine » (N. Stoffel et M. Lemal, « Aperçu sur le traitement du surendettement des particuliers au grand-Duché de Luxembourg », in Droit bancaire et financier au Luxembourg, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 610).

Pour en bénéficier, il faut selon l’article 2 de la Loi du 8 décembre 2000, d’une part, être une personne physique non-commerçante et d’autre part, ne pas avoir organisé son insolvabilité.

En effet, cet article dispose que : « La procédure de règlement collectif des dettes est ouverte à toute personne physique, autorisée à résider sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, éprouvant des difficultés financières durables pour faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
Est exclu de la procédure le débiteur qui a la qualité de commerçant au sens de l'article 1er du Code de commerce.
Toutefois, la procédure lui est ouverte s'il a cessé son activité commerciale depuis au moins six mois ou, en cas de faillite, si la clôture des opérations a été prononcée.
Peut encore être exclu de la procédure le débiteur qui aurait organisé son insolvabilité
.».

Les dettes prises en compte sont toutes les dettes non professionnelles en ce compris les dettes résultant d’une caution (N. Stoffel et M. Lemal, opus cit).

L’effet principal de ce palliatif est la suspension des procédures d’exécution pendant une durée de 6 mois à dater de la demande formelle du débiteur auprès du service d’information et de conseil en matière de surendettement (art. 3 et 6 de la Loi du 8 décembre 2000).


2. La mise en cause de la responsabilité du banquier dispensateur de crédit

Ainsi qu’il apparaît en filigrane des développements précédents, la responsabilité du banquier dispensateur de crédit peut être mise en cause à deux occasions différentes, d’abord, lors de l’octroi du crédit (responsabilité extracontractuelle), ensuite, lors de l’exécution et de la rupture du crédit (responsabilité contractuelle).


A. Culpa in contrahendo – Responsabilité extracontractuelle

Cette responsabilité se fonde sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. Elle peut résulter de nombre de faits imputables au banquier, notamment, s’il manque à son obligation de vigilance ou à son obligation d’information et de conseil préalablement à la conclusion effective du contrat.

En effet, le banquier doit tout d’abord vérifier la situation financière de son client et même contrôler la viabilité du projet de son client (Cour d’appel, 23 mai 2001, n° 23 825, et Cour d’appel, 23 mars 1994, n° 14 945).

L’éthique et la pratique bancaire au Luxembourg amènent les banquiers dispensateurs de crédit à n’accorder le prêt requis que si le rapport entre les charges financières à supporter par le client pour rembourser le prêt et son revenu net ainsi que le rapport entre la dette contractée et les garanties accordées par le client sont acceptables. En outre, dans la plupart des cas, le banquier demande à ce que le client fournisse un apport personnel d’au moins 20% du prix de l’objet à financer.

D’autre part, le banquier doit aussi informer clairement et complètement son client et, le conseiller, sauf s’il s’agit d’un professionnel ou d’un client averti, telle une entreprise, par exemple .

L’obligation d’information et de conseil étant une obligation de moyen, il appartient au client de prouver une faute dans le chef du banquier (Cour d’appel, 5 avril 2001, n° 22 524 et 22 675).

Selon la doctrine, ces obligations sont toutefois atténuées par trois tempéraments.

D’abord, le client doit coopérer avec son banquier, notamment en lui donnant une image fidèle de sa situation financière.

Ensuite, le client pourrait commettre une faute concurrente à celle de son banquier, par exemple s’il obtient un crédit déraisonnable compte tenu de ses capacités financières, il pourra endosser une part de responsabilité eu égard au fait qu’il est, logiquement, bien placé pour appréhender sa bonne ou mauvaise situation financière.

Enfin, le banquier voit ses obligations limitées par son devoir de non-ingérence dans la vie privée (et patrimoniale) de son client.


B. Responsabilité contractuelle

Selon les auteurs, le banquier engage sa responsabilité s’il refuse d’exécuter l’engagement qu’il a pris envers son client, notamment s’il refuse de mettre les fonds promis à disposition de son client ou encore s’il ne contrôle pas l’affectation des fonds alors qu’il s’y serait engagé.

Cette responsabilité intervient si le banquier rompt brutalement ou à la légère et, partant abusivement, le contrat de crédit qui le lie à son client (voyez Trib. Arr. Luxembourg, 8 juillet 1987, n° 386/87 I pour rupture à la légère).

Deux principes fondent, en l’espèce, la responsabilité du banquier, d’abord, l’interdiction de l’abus de droit, ensuite, l’exécution de bonne foi des conventions.

D’abord, relativement à l’abus de droit, l’article 6-1 du Code civil dispose que « tout acte ou tout fait qui excède manifestement, par l’intention de son auteur, par son objet ou par les circonstances dans lesquelles il est intervenu, l’exercice normal d’un droit, n’est pas protégé par le loi, engage la responsabilité de son auteur et peut donner lieu à une action en cessation pour empêcher la persistance dans l’abus ».

Le banquier qui rompt le crédit et procède à une saisie immobilière alors qu’il y avait renoncé en contrepartie de l’engagement pris et respecté par son client de payer régulièrement les traites mensuelles de son emprunt commet un abus de droit (Trib.arr. Luxembourg, 27 novembre 1996, Pas. 30, p. 314).

L’exercice d’un droit est abusif lorsque son titulaire ne choisit pas la manière de l’exercer la moins dommageable pour autrui ou lorsque cet exercice ne présente pour lui qu’un intérêt minime comparé au préjudice qu’il causerait.

Ensuite, le principe de l’exécution de bonne foi des conventions, explicitement mentionné par l’article 1134 du Code civil, interdit au banquier de mettre brutalement un terme au contrat de crédit qui le lie à son client.

Le banquier engage sa responsabilité s’il rompt le contrat sans préavis (même au cas où aucun préavis n’a été convenu), ou en l’absence d’un préavis suffisant (Cour d’appel, 26 janvier 2005, n° 26 919 et Trib. Arr. Luxembourg, 19 mai 1999, n° 527/99 I, voyez aussi, Cour d’appel, 3 décembre 1980, n° 5350). Le banquier ne pourrait en tout cas jamais rompre le contrat à l’insu de son client (Trib. Arr. Luxembourg, 10 avril 1987, n° 180/87 comm.).

Précisons que la rupture tardive du crédit est également de nature à engager la responsabilité du banquier (Trib. arr. Luxembourg, 19 décembre 2003, n° 228/2003 III ; voyez aussi l’arrêt de la Cour d’appel du 14 mars 2000 (n° 22 720) relatif à la lenteur de l’action en justice intentée par le banquier à l’endroit de son client).

Ajoutons que la jurisprudence combine souvent la théorie de l’abus droit et le principe de l’exécution de bonne foi pour sanctionner la rupture brutale d’un emprunt (Cour d’appel, 4 novembre 1998, Pas. 31, p. 63).


Conclusion

Le bref passage en revue que nous venons d’effectuer de la réglementation du crédit bancaire, et en particulier du crédit au logement, applicable au Grand-Duché de Luxembourg, ainsi que la recommandation de la Commission Européenne applicable en la matière, nous permet de conclure que les protections prévues par cette réglementation en faveur du consommateur lors de la négociation de ce crédit, ainsi que en ce qui concerne les modalités d’exécution et de terminaison de la prestation du crédit elle-même, accordent à l’emprunteur un ensemble de garanties qui associées à la pratique bancaire visant à imposer à l’emprunteur un apport personnel adéquat, ainsi que des remboursements qui tiennent en principe compte de ses moyens financiers, tendent à éviter à celui-ci de se placer dans une situation de risque potentiel de non-remboursement du crédit en question.

Eu égard cependant au fait, que l’attitude prudente dont ont fait preuve jusqu’à ce jour les établissements luxembourgeois dispensateurs de crédits repose sur une simple pratique et n’est pas la conséquence d’une législation ou réglementation précise en la matière, on pourrait considérer que notre législateur, ainsi que l’autorité de supervision compétente, ferait bien de veiller à combler cette lacune en réglementant d’une manière suffisamment contraignante cet aspect de l’octroi du crédit hypothécaire au Grand-Duché de Luxembourg.



Jean BRUCHER
Avocat à la Cour (Barreau de Luxembourg)
BRUCHER & ASSOCIES
info@brucherlaw.lu






Source : DroitBelge.Net - Actualités - 7 juillet 2008


Imprimer cet article (Format A4)

* *
*


Bookmark and Share