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Perception de redevances de parking par des sociétés privées: évolution de la jurisprudence

Par Arnaud Carlot

Vendredi 01.02.08

Les habitants de certaines grandes villes belges se sont réveillés un jour en découvrant que sur leur pare-brise ne fleurissaient plus les élégants papillons décernés par les services de police communaux.

A leur place, ils ont pu découvrir des feuillets en papier glacé émanant de sociétés privées leur indiquant qu’ils avaient opté pour le tarif « demi-journée » pour l’utilisation d’un emplacement de parking.

Ces sociétés bénéficient de ce que l’on appelle une concession de service négociée avec le pouvoir communal et ont donc pour mission de gérer les emplacements de stationnement payants sur son territoire.

La Justice de Paix d’Ostende a rendu au mois de janvier 2008 un jugement confirmant ce qui avait déjà été dit par diverses Justices de Paix du pays et condamnant non pas le principe même de la perception d’une taxe ou redevance pour l’occupation d’un emplacement de parking mais bien les conditions dans lesquelles la constatation du non-paiement de ladite redevance s’effectue ainsi que l’identification du propriétaire du véhicule.


Le rôle du receveur communal

La seule personne habilitée à consulter les fichiers de la DIV et à identifier un « contrevenant » n’est autre que le Receveur communal qui n’est certainement pas autorisé par la loi à transmettre ces informations à des sociétés privées.

En ce sens, la Justice de Paix d’Arlon a déjà débouté une de ces sociétés privées le 11 mai 2004: les fichiers de la DIV ne pouvaient être consultés que dans le cadre d'une affaire judiciaire ou sur demande d'une autorité publique.

En outre, et selon l’article 136 de la nouvelle loi communale, le Receveur communal est la seule personne autorisée à percevoir les recettes communales.

Par conséquent, l’encaissement d’une redevance de parking ainsi que l’utilisation de données privées, tels que les fichiers DIV, et a fortiori sa possession par des sociétés privées sont des pratiques totalement illégales.


La constatation des infractions

La loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière permet la réalisation de constatations par des sociétés privées, se rapportant exclusivement à la situation immédiatement perceptible de biens se trouvant sur le domaine public, sur ordre de l'autorité compétente ou du titulaire d'une concession publique.

Cependant, ces constatations peuvent comprendre la dénonciation d'infractions pour autant que celles-ci puissent uniquement être punies d'une sanction administrative.

Et c’est en général ici que le bât blesse. En effet, ces sociétés bénéficiaires d’une concession publique ne font pas que constater le non-paiement des tickets d’horodateurs mais elles encaissent souvent directement les redevances alors que c’est au pouvoir communal de le faire.


La force probante des constatations

La loi du 10 avril 1990 stipule que les constatations ont la valeur de la présomption, visée à l'article 1353 du Code civil. En raison de leur imprécision qui peut être dangereuse, le législateur impose que les présomptions retenues par le juge soient "graves, précises et concordantes".

Dans ce sens, la Justice de Paix de Namur a pris jugement le 17 novembre 2006 (note 1) et a précisé qu’« en ce qui concerne les constatations effectuées par les agents contractuels précités, force est de constater qu'elles n'ont fait l'objet d'aucun procès-verbal ; qu'en outre, aucune loi ou réglementation quelconque ne confère une force probante jusqu'à preuve du contraire aux constatations faites par ces agents communaux non assermentés ; Que ces constatations n'ont donc qu'une force probante toute relative. »

La simple prise de photo du pare-brise et de la plaque d’immatriculation par des employés de sociétés privées ne nous semble pas suffisant pour considérer que ce sont des présomptions graves, précises et concordantes permettant de prouver qu’un véhicule se trouvait bien sur un emplacement de parking payant.

Ce sentiment a été confirmé par le Ministre de la Mobilité Renaat Landuyt le 29 mars 2007 qui considère justement que « Contrairement aux constats des agents, les constats effectués par les employés de sociétés privées ayant une concession n’ont pas la force de preuve d’un procès-verbal. Cela signifie que le constat d’une société privée ayant une concession ne fait pas foi, comme le procès-verbal ».

Dès lors, il apparaît que la décision du Juge de Paix d’Ostende correspond tout à fait d’une part aux attentes légitimes des citoyens et d’autre part aux prescrits légaux.

Il reste à espérer que ces décisions seront confirmées par d’autres Justices de Paix, entre autres dans les cantons bruxellois, pour soit mettre fin à ce genre de pratiques soit adapter la législation en vigueur.

Le montant du litige et l’impossibilité de faire appel freinent évidemment les velléités de la part d’usagers à s’engager dans une procédure qui leur coûtera bien plus cher qu’un tarif demi-journée de parking…



Arnaud Carlot
arnaudcarlot@skynet.be
Avocat au barreau de Bruxelles




Note : Justice de Paix de Namur (1er Canton), 17 novembre 2006, JLMBi 2007, p.405


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