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Responsabilité « sans faute » en droit médical : FAUX DÉPART !

Par Pascal Staquet

Lundi 07.01.08

La loi du 15 mai 2007 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé devait entrer en vigueur le 1er janvier 2008.

En l’absence d’arrêtés d’exécution devant encore régler moult questions, le législateur se devait d’éviter un vide juridique en reportant cette entrée en vigueur.

Cela est chose faite ! La loi du 21 décembre 2007 parue au Moniteur Belge du 31 décembre 2007 avec entrée en vigueur le même jour précise que la loi relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé entrera en vigueur « à une date à fixer par le Roi et au plus tard le 1er janvier 2009 ».


I.- Simple report ou léthargie profonde ?

Le report de l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2007 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé était prévisible compte tenu de l’absence de gouvernement (hors « affaires courantes ») et du nombre impressionnant d’arrêtés d’exécution devant être pris avant ladite entrée en vigueur, mais aussi par les modifications devant idéalement être apportées au texte actuel de la loi.

Les auteurs de la proposition de loi visant à modifier la date d’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2007 l’ont par ailleurs exprimé sans ambages :

« Il n’est pas réaliste de faire entrer cette loi en vigueur dans le délai prévu. Pour pouvoir fonctionner, toutes les structures prévues (Fonds des Accidents Soins de santé, Fonds Commun de Garantie, Bureau de tarification) doivent être opérationnelles, ce qui est encore loin d’être le cas. Par ailleurs, différents arrêtés royaux doivent encore être pris. La part du financement qui sera prise en charge par les pouvoirs publics (Santé publique, INAMI) n’a pas encore été budgétisée.

L’entrée en vigueur de la loi le 1er janvier 2008 débouchera sur une immunité des médecins sur le plan civil. Ils ne pourront plus être tenus pour responsables et être attaqués sur la base du Code civil. Le risque existe donc de se retrouver face à un vide juridique, dont le citoyen pourrait imputer la responsabilité au gouvernement.

En outre, le texte actuel de la loi devrait idéalement subir une série de modifications afin d’éviter des procédures s’étendant sur plusieurs années et de prévenir les incohérences en ce qui concerne le champ d’application, qui sont la conséquence d’une mauvaise rédaction de différents articles de la loi
». (proposition de loi modifiant la loi du 15 mai 2007 relative à l’indemnisation du dommage résultant de soins de santé en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur ; Doc. Parl., Ch. repr., Sess. ord., 2007-2008, Doc. 52 0407/001, p. 3.)

Faut-il y voir une « mise au frigo » pour une léthargie profonde et prolongée ou un simple report permettant, après une prise de conscience du chemin à parcourir, d’apporter au texte les modifications nécessaires ? Nous optons résolument –et de manière optimiste- pour la seconde hypothèse. En effet, le législateur s’est attaché à limiter cet ajournement puisque l’entrée en vigueur se fera au plus tard le 1er janvier 2009.


II.- Chronique d’une modification annoncée.

Nul ne contestera l’utilité et le caractère louable d’une loi indemnisant les dommages résultant de soins de santé sans qu’aucune responsabilité ne doive être établie par la personne qui en est victime.

Cependant, comme l’ont précisé les auteurs de la proposition de loi visant à reporter son entrée en vigueur, le texte actuel soulève encore trop de questions et de controverses.

Sans polémiquer sur la « viabilité » même du système d’indemnisation dès lors qu’il semble que l’enveloppe budgétaire prévue risque d’être insuffisante, les incertitudes relatives au champ d’application de la loi, à la clef de répartition des indemnités prises en charge par les différents intervenants ou à la création et au fonctionnement des structures prévues,… sont autant d’écueils et/ou d’inconnues qui doivent pousser le législateur à réfléchir, hors précipitation électorale, à sa copie.


III.- « Eviter » un vide juridique

Il était urgent que le législateur postpose l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 2007 relative à l’indemnisation des dommages de soins de santé dès lors que celle-ci avait pour effet d’entraîner une « immunité civile » dans le chef des praticiens professionnels qui ne pouvaient se voir assigner devant les tribunaux civils qu’en cas de faute lourde ou intentionnelle.

Cependant, et dès lors que la loi attend de très nombreux arrêtés d’exécution pour trouver réellement à s’appliquer, le citoyen victime d’une faute médicale (non intentionnelle) n’aurait eu aucun recours sauf à envisager la responsabilité… de l’Etat Belge.

Eu égard à ce qui vient d’être dit, espérons que le report de l’entrée en vigueur de la loi du 15 mai 207 relative à l’indemnisation des dommages résultant de soins de santé puisse être bénéfique et le législateur faire preuve de bon sens en saisissant l’opportunité qui lui est ainsi offerte de retravailler un texte somme toute perfectible.



Pascal Staquet
Avocat au barreau de Bruxelles
p.staquet@avocat.be




D'autres informations en droit médical sont disponibles dans la rubrique Fiches Pratiques > Droit médical et dommages corporels





Source : DroitBelge.Net - Actualités


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