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Les différents types de pensions alimentaires

Par Thierry Smets

Jeudi 28.12.06

Les obligations alimentaires sont prévues par la loi. Elles ne concernent que les parents en ligne directe, les époux et certains alliés. En dehors des cas prévus par la loi (exemple : frères et sœurs), il n’est pas possible de contraindre une personne à payer une pension alimentaire à une autre.

Il y a cinq types de pensions alimentaires :

1) La pension alimentaire fondée sur « l’état de besoin »

2) Le secours alimentaire entre époux

3) La pension alimentaire après divorce

4) La contribution alimentaire des parents

5) La pension alimentaire à charge du père probable de l’enfant


1) La pension alimentaire fondée sur « l’état de besoin »

L’obligation alimentaire fondée sur l’état de besoin est basée sur la solidarité qui est censée exister entre les membres d’une même famille. Elle contraint ceux qui ont la chance de vivre dans l’aisance à porter secours, financièrement, à ceux pour qui les fins de mois sont particulièrement difficiles.

Cette obligation alimentaire n’est pas absolue : on tient non seulement compte de l’état de besoin du bénéficiaire (le créancier) mais aussi de la situation financière de la personne qui est invitée à secourir l’autre (le débiteur). De même, elle est limitée à certaines personnes : les parents, les époux et certains alliés.


Elle ne suppose que trois conditions :

1) Le débiteur doit être en état de besoin.

2) Le créancier doit être en mesure de payer une pension alimentaire à l’autre.

3) Il faut se trouver dans l’un des cas prévus par la loi.

L’état de besoin est une question de fait qui est laissée à l’appréciation du juge lorsque les personnes concernées ne sont pas d’accord sur cette question. Il ne s’agit pas d’un état absolu : il ne faut pas obligatoirement crever de faim et mendier dans la rue pour pouvoir bénéficier d’une pension alimentaire. Il y a lieu de tenir compte des conditions normales de vie dont le créancier d’aliments bénéficiait à raison de son éducation et de sa situation sociale (H. DE PAGE, Traité élémentaire de Droit civil belge, Tome II, Les Personnes, Volume 1, 4ème édition par J-P. MASSON, p. 484).

Une simple gêne ne peut suffire : l’obligation alimentaire fondée sur l’état de besoin ne se conçoit que si les efforts personnels du créancier ne peuvent lui permettre de pourvoir à sa subsistance. Le simple état de besoin ne peut ainsi pas être retenu s’il est possible pour celui qui revendique une pension alimentaire de travailler pour se procurer des ressources. Pas question donc de récompenser la paresse ...

De même, si la personne qui se prétend en état de besoin dispose d’un bas de laine ou, plus généralement, d’un capital, elle ne pourra normalement pas exiger une pension alimentaire car elle peut réaliser ce capital et subvenir ainsi à ses besoins.

Hormis le cas de la déchéance de l’autorité parentale (qui reste tout de même assez rare), les fautes antérieures de celui qui réclame la pension alimentaire ne sont pas prises en considération. Il n’y a qu’une seule chose qui compte : l’état de besoin de cette personne (pour autant qu’il ne soit pas volontaire, comme nous avons eu l’occasion de le voir plus haut). Ainsi, le père qui n’a jamais montré le moindre intérêt pour ses enfants, au point de ne pas exercer son droit de visite après la séparation et, pire, de ne pas payer la moindre contribution alimentaire pour subvenir à leurs besoins lorsqu’ils étaient encore mineurs, pourrait parfaitement réclamer à ceux-ci une pension alimentaire s’il se trouve en état de besoin et qu’il n’est pas lui-même responsable de sa situation.

L’obligation alimentaire est toujours fixée de manière provisoire car la situation des parties peut varier avec le temps. Une personne qui se trouve en état de besoin peut décrocher un emploi ; le débiteur peut, quant à lui, perdre son emploi ou se retrouver avec une personne supplémentaire à charge (ex : un enfant) ...

Ces préalables étant posés, il est temps de passer en revue les différents types de pensions alimentaires fondées sur l’état de besoin :


1ère hypothèse

Les enfants doivent payer une pension alimentaire à leurs parents en ligne directe lorsque ceux-ci sont dans le besoin (article 205 du Code civil).

Cette obligation existe aussi dans l’autre sens (article 207 du Code civil).

Une grand-mère en état de besoin pourrait donc réclamer et obtenir à tout moment une pension alimentaire à charge de son petit-fils. De même, une fille en état de besoin pourrait parfaitement réclamer et obtenir à tout moment, même si elle est majeure, une pension alimentaire à l’égard de son père et/ou de sa mère.

Les père et mère sont donc tenus à l’égard de leurs enfants (et inversement).

Il faut cependant noter d’emblée que l’article 203 du Code civil prévoit parallèlement une obligation alimentaire spéciale à charge des parents qui sont tenus de contribuer à l’entretien, à l’éducation et à la formation de leurs enfants pendant leur minorité et même au-delà si leurs études ne sont pas terminés. C’est « la contribution alimentaire des parents » que nous examinerons plus loin au point 4.


2ème hypothèse

Le secours alimentaire entre les époux sera examiné plus loin au point 3 car il obéit à des règles particulières et ne repose pas nécessairement sur l’état de besoin. Tel n’est pas le cas de la créance alimentaire du conjoint survivant sur la succession de son mari ou de son épouse. Les héritiers d’une personne qui était mariée lors de son décès doivent en effet payer une pension alimentaire au conjoint survivant si celui-ci se trouve en état de besoin à ce moment (article 205 bis du Code civil).

La pension alimentaire est une charge de la succession : elle est donc supportée par tous les héritiers et, au besoin, par les légataires particuliers, en proportion de ce qu’ils recueillent dans le cadre de l’héritage. Si la pension alimentaire n’est pas prélevée sur l’héritage, le paiement de la pension alimentaire doit faire l’objet d’une garantie (ex : hypothèque sur une maison).

Le délai pour réclamer la pension alimentaire est d'un an à partir du décès. Cette obligation existe aussi dans l’autre sens (article 207 du Code civil).


3ème hypothèse

La loi prévoit une obligation alimentaire entre les alliés en ligne directe mais elle est limitée au premier degré.

Les gendres et belles-filles doivent ainsi payer une pension alimentaire à leur beau-père ou à leur belle-mère (article 206 du Code civil). L’obligation existe aussi dans l’autre sens (article 207 du Code civil).

Cette obligation cesse :

1° lorsque le beau-père ou la belle-mère se remarie avec une autre personne

2° lorsque celui des époux qui produisait l'affinité, et les enfants issus de son union avec l'autre époux, sont décédés.

La jurisprudence considère par ailleurs que si le lien d’alliance doit durer aussi longtemps que l’union conjugale, il ne doit pas lui survivre : il est dès lors admis que l’obligation alimentaire disparaît en cas de divorce, même s’il y a eu des enfants nés de cette union. Bref, la dette alimentaire n’existe plus entre le conjoint divorcé et les père et mère de l’autre époux.


2) Le secours alimentaire entre les époux

L’article 213 du Code civil précise que les époux ont le devoir d'habiter ensemble; ils se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance. Chaque époux perçoit seul ses revenus et les affecte par priorité à sa contribution aux charges du mariage. Il peut en utiliser le surplus à des acquisitions de biens justifiées par l'exercice de sa profession; ces biens sont soumis à sa gestion exclusive. L'excédent est soumis aux règles du régime matrimonial des époux.

Les époux sont donc tenus par la loi de contribuer aux charges du mariage selon leurs facultés. Pas question que les revenus de madame soient utilisés pour payer les dettes du ménage pendant que monsieur met les siens de côté sur un compte personnel ouvert à l’insu de son épouse ...

Il y a deux cas à envisager :

1) Les époux vivent ensemble à la résidence conjugale : c’est le cas « normal ». Ils s’entendent pour se répartir les charges du ménage (ex : ouverture d’un compte commun sur lequel les revenus de chacun sont versés ; monsieur paie le prêt hypothécaire et les charges de l’habitation avec ses revenus tandis que madame fait les courses avec les siens ; etc.).

2) Les époux sont séparés : le devoir de secours subsiste mais il s’exécutera sous la forme d’une pension alimentaire dont le montant sera normalement fixé par le juge s’il n’y a pas d’accord entre les parties.

Si nous avons fait la distinction entre le secours alimentaire entre les époux et les pensions alimentaires fondées sur l’état de besoin, cela s’explique par le fait que le premier est beaucoup plus étendu que les secondes. En effet, le devoir de secours ne comprend pas seulement l’obligation pour le mari ou l’épouse de subvenir aux besoins de son conjoint, mais il implique aussi l’obligation de contribuer de manière constante à toutes les charges du ménage, selon ses facultés.

On en déduit logiquement que le devoir de secours est indépendant de l’état de besoin. Une épouse qui travaille et qui gagne un revenu de 2.000,00 € par mois ne peut raisonnablement pas être considérée comme étant en état de besoin ... mais elle pourrait néanmoins obtenir une pension alimentaire si son mari perçoit, quant à lui, des revenus de 5.000,00 € par mois afin de rétablir l’équilibre.


3) La pension alimentaire après divorce

Lorsque les époux décident de divorcer par consentement mutuel, ils doivent se mettre d’accord sur l’octroi ou non d’une pension alimentaire après divorce.

Ils en fixent librement le montant. Il n’y a pas de règles à cet égard, sauf celle qui consiste à être d’accord sur la question. Une personne qui ne se trouve pas en état de besoin pourrait donc obtenir une pension alimentaire confortable à charge de l’autre tandis que, inversement, un mari ou une épouse qui se trouve dans une situation proche de la misère pourrait ne rien obtenir du tout ...

En principe, les conventions préalables à divorce par consentement mutuel sont immuables, ce qui revient à dire qu’il n’est pas question de revenir en arrière par la suite pour réduire, augmenter ou supprimer la pension alimentaire après divorce en fonction des circonstances de la vie, sauf si les parties ont prévu expressément une porte de sortie (ex : la pension alimentaire sera supprimée si madame se remarie ou vit en concubinage avec un tiers).

Dans les autres cas, lorsqu’il s’agit d’un divorce pour cause déterminée ou pour cause de séparation de fait de plus de deux ans, l’époux qui a obtenu le divorce aux torts de l’autre a la possibilité de lui réclamer une pension alimentaire après divorce en vertu de l’article 301 du Code civil.

Cette pension alimentaire présente deux caractéristiques :

1) Elle est indemnitaire : on sanctionne, en quelque sorte, l’époux coupable

2) Elle est alimentaire : la pension doit permettre à celui ou celle qui l’obtient de conserver le train de vie qui était le sien pendant la vie commune.

Cette obligation alimentaire est donc indépendante de l’état de besoin et elle peut même se concevoir lorsque les revenus du créancier sont supérieurs à ceux du débiteur ! Il suffit en effet de prouver que l’époux qui a obtenu le divorce aux torts de l’autre ne peut plus mener le même train de vie que pendant le mariage.

La pension alimentaire après divorce ne peut excéder en aucun cas le tiers des revenus du débiteur, même si le créancier est en état de besoin. Le montant est fixé par le juge, sauf accord des parties. Il peut être réduit, augmenté ou supprimé si la situation financière de celles-ci évolue au fil du temps L’exemple classique de révision est celui du bénéficiaire qui se remarie avec un tiers qui dispose de revenus confortables.


4) La contribution alimentaire des parents

Nous avons vu plus haut que les parents doivent payer une pension alimentaire à leurs enfants lorsque ceux-ci sont dans le besoin, et réciproquement, en vertu de l’article 205 du Code civil. Cette obligation alimentaire existe indépendamment de l’âge des enfants.

L’article 203 du Code civil prévoit par ailleurs que les père et mère doivent pourvoir à l’entretien, à l’éducation et à la formation de leurs enfants. Cette obligation est normalement limitée à la minorité mais elle se poursuit au-delà si la formation de l’enfant n’est pas encore achevée (ex : le gamin poursuit des études supérieures). A contrario, la contribution alimentaire des parents cesse donc lorsque la formation de l’enfant est achevée.

Elle existe indépendamment de la situation financière des parents qui sont toujours tenus de contribuer selon leurs moyens à l’entretien, à l’éducation et à la formation de leurs enfants. Elle est également indépendante du mariage.

Le montant des parts contributives est fixé par le juge à défaut d’accord entre les parents. Ici aussi, comme pour toutes les pensions alimentaires, le montant peut être revu à la baisse ou à la hausse en fonction de l’évolution de la situation financière des parties et de l’âge de l’enfant (les besoins d’un enfant de 3 ans ne sont pas ceux d’un jeune homme de 21 ans qui poursuit des études supérieures).

La contribution alimentaire doit, en principe, être versée, non pas à l’enfant, mais à la personne qui héberge l’enfant. Cette règle reste valable lorsque ce dernier atteint l’âge de la majorité. C’est assez logique : le parent qui a obtenu la garde de l’enfant qui vit chez lui subvient, en nature, à ses besoins. Il veille donc à l’entretien, à l’éducation et à la formation de l’enfant, en nature.

L’autre parent doit dès lors participer aux frais en lui remboursant, en quelque sorte, ces dépenses par le biais de la contribution alimentaire. Rien n’empêche cependant les parents de s’entendre pour que la contribution alimentaire soit versée directement à l’enfant majeur (qui vit, par exemple, en « kot » pendant la semaine) mais il faut un accord : le débiteur ne peut rien imposer et encore moins se faire justice à lui-même pour embêter l’autre.


5) La pension alimentaire à charge du père probable de l’enfant

Lorsque la filiation paternelle de l’enfant n’est pas juridiquement établie (le père ne l’a pas reconnu et la mère ne souhaite pas intenter une action en établissement de la paternité), celui qui a eu des relations avec sa mère pendant la période légale de conception (« le père probable ») peut être légalement contraint de payer une pension alimentaire à l’enfant pour subvenir à ses besoins en vertu de l’article 336 du Code civil.

Il suffit, pour l’obtenir, de prouver que telle personne a entretenu des relations sexuelles avec la mère pendant la période légale de conception (de 180 à 300 jours avant la naissance de l’enfant).

Il est à noter que, le lien de filiation n’étant pas établi, l’obligation alimentaire n’est pas réciproque.





Thierry SMETS
Avocat au barreau de Namur - LEGALEX Namur



Note: D'autres informations pratiques en droit de la famille sont disponibles dans la rubrique "Droit Familial".







Source : DroitBelge.Net


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