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La suppression des titres au porteur

Par François Collon

Jeudi 03.08.06

La loi du 14 décembre 2005 sonne le glas des titres au porteur.

D’après le législateur, ces titres pouvaient, du fait de leur anonymat, être « vecteurs de la criminalité financière et du terrorisme » ainsi que « source de fraude fiscale ». Leur suppression est justifiée également par une volonté de « modernisation du droit des sociétés ». Suivant l’exposé des motifs, en effet, « les titres au porteur sont peu adaptés aux exigences modernes en matière de titres. Outre le risque de perte ou de vol, les impératifs liés à la conservation des titres au porteur et à l’encaissement des coupons sont lourds et coûteux. En outre, les manipulations physiques que requiert la transmission de propriété d’un tel titre sont également non négligeables, spécialement à l’occasion d’échanges de grande ampleur ».

En supprimant ces titres, la Belgique rejoint la France, la Suède, l’Italie, l’Autriche et suit une tendance européenne puisque le Royaume-Uni, l’Espagne, les Pays-Bas et l’Irlande sont en passe de leur faire subir le même sort.


Champ d’application

Le champ d’application de la loi est particulièrement large. Tous les titres au porteur émis par une société belge sont visés : actions, parts bénéficiaires, obligations, droits de souscription et certificats, mais aussi les titres papier émis par une personne soumise au droit belge : bons de caisse, billets de trésorerie, certificats de dépôt, certificats immobiliers, etc.


Une suppression progressive

La suppression se déroulera en trois phases.

Fin des nouveaux titres au porteur. A partir du 1er janvier 2008, les titres ne pourront plus être émis par l’émetteur que sous la forme nominative ou dématérialisée et, à cette date, les titres inscrits en compte de sociétés cotées et les titres de la dette publique seront de plein droit convertis en titres dématérialisés. Les sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé devront adapter leurs statuts avant le 31 décembre 2007 afin de rendre la conversion possible.

Conversion des titres existants. Les titres de sociétés non cotées ne seront, quant à eux, pas convertis automatiquement en titres dématérialisés. Ils conserveront en effet leur forme au porteur jusqu’à ce que leur titulaire demande leur dématérialisation. Néanmoins la prévoit que les sociétés ou les autorités publiques qui émettent de tels titres devront adapter, avant le 31 décembre 2007, leurs statuts afin de rendre la conversion possible.

Les titulaires de titres émis après le 23 décembre 2005 et avant le 1er janvier 2008 devront demander, au plus tard le 31 décembre 2012, leur conversion en titres nominatifs ou en titres dématérialisés.

Les titulaires de titres au porteur émis avant le 23 décembre 2005 auront un an de plus pour demander la conversion de leurs titres, c’est à dire, jusqu’au 31 décembre 2013.

Le 1er janvier 2013 (pour les « nouveaux » titres), ou le 1er janvier 2014 (pour les « anciens » titres), les titres au porteur dont la conversion n’aura pas été demandée, seront convertis de plein droit en titres dématérialisés. Pratiquement, ces titres seront inscrits au nom de la société émettrice jusqu’à ce que l’ayant droit se fasse connaître. Les droits liés à ces titres seront alors suspendus.

Si la conversion en titres nominatifs est demandée auprès de la société ou dès qu’il existe une preuve de la propriété des parts, le conseil d’administration de la société doit inscrire ces titres au registre des actionnaires dans les cinq jours ouvrables. Si la conversation en titres dématérialisés est demandée à un détenteur de comptes agréé, celui-ci doit inscrire les titres sur un compte.

Vente des titres sans propriétaire connu. Les sociétés devront mettre en vente tous les titres sans propriétaire connu au 1er janvier 2015.

Elles devront d’abord publier un avis dans les annexes du Moniteur belge et dans deux quotidiens nationaux, un francophone et un néerlandophone. Les ayants droits auront un mois pour réagir à dater de cette publication.

Si aucun propriétaire ne se fait connaître dans ce délai, les titres devront être vendus. Les ventes de titres de sociétés cotées devront avoir lieu sur un marché réglementé dans un délai d’un mois après la période d’attente (publications au Moniteur belge et dans deux quotidiens). En ce qui concerne les titres non cotés, la vente aura lieu selon les modalités fixées par l’émetteur sans qu’aucun délai ne soit prescrit.

L’émetteur aura la possibilité d’imputer sur le produit de la vente les frais qu’il aura du exposer pour la conservation des titres sur un compte titre à son nom. Le surplus du produit de la vente sera versé à la Caisse des Dépôts et Consignations jusqu’à ce qu’une personne pouvant prouver sa qualité de réel détenteur des titres vendus, en demande la restitution. Au 30 novembre 2015, les titres non vendus seront, eux aussi, déposés par l’émetteur auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations lui permettant ainsi de clôturer définitivement le compte titre ouvert pour les besoins de la cause. L’ayant droit pourra donc encore faire valoir ses droits mais son apparition tardive lui coûtera cher : par année de retard à partir du 31 décembre 2015, il devra payer une amende égale à 10 % du montant versé ou de la contre-valeur des titres déposés à la Caisse des Dépôts et Consignations.


Conclusions

Si la suppression des titres au porteur est accueillie très favorablement par le secteur financier, elle l’est un peu moins par leurs détenteurs. On sait l’attachement particulier que les Belges ont pour ces titres à la transmission aisée et discrète. Il leur faudra bien se résoudre, à l’avenir, à s’en séparer et à transmettre des titres nominatifs et des titres dématérialisés. Quelques réflexes devront donc changer, en matière de planification successorale notamment. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique.




François Collon
Avocat

Dal & Veldekens (www.dalveldekens.com)




N.B.: D'autres informations en droit fiscal sont disponibles à l'adresse suivante: www.droit-fiscal.be




Source : DroitBelge.Net - Actualités - 03 août 2006


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