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La gestion de la SRL

Par Caroline Kempeneers (Solis Law Firm)

Mardi 25.10.22

Les règles régissant la gestion de la SRL n’ont pas subi de grands changements suite à l’adoption du nouveau CSA. Les travaux préparatoires précisent d’ailleurs, à cet égard, que « les articles relatifs à l’administration ont tout d’abord été réorganisés de manière logique et pour le reste essentiellement complétés » (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-3119/001, p. 155).

Dans un premier temps, nous pouvons souligner que, dans un souci d’alignement sur la société anonyme, le Code prévoit désormais qu’on ne parle plus de gérant mais bien d’administrateur dans une SRL. Pour autant, le régime par défaut reste celui qui était prévu auparavant dans la SPRL.

Contrairement à ce qui est désormais possible en société anonyme, la forme de l’administration duale, composée d’un conseil de direction et d’un conseil de surveillance, n’a pas été prévue pour la société à responsabilité limitée.


Composition et nomination

Conformément à l’article 5:70 du CSA, la SRL est administrée par un ou plusieurs administrateurs, personnes physiques ou morales, constituant un collège ou non. Ainsi, comme c’était le cas sous l’ancien Code, trois régimes d’administration sont possibles :

• un administrateur unique ;

• plusieurs administrateurs disposant chacun d’un pouvoir de gestion ; ou

• si les statuts le prévoient, plusieurs administrateurs formant un organe collégial, c’est-à-dire un organe où les décisions seront prises collégialement comme c’est le cas du conseil d’administration dans une SA.

Ainsi, le recours à la forme collégiale de l’organe de gestion devra être expressément prévu par les statuts. À défaut, la gestion sera assurée de manière concurrente entre les administrateurs, ce qui signifie que chacun d’eux disposera de la plénitude des pouvoirs de décision et de représentation (art 5:73 CSA).

C’est l’assemblée générale qui nomme les administrateurs. Ceux-ci sont nommés pour la première fois dans l’acte constitutif. Les administrateurs peuvent également être nommés dans les statuts (art. 5:70, § 2, al. 3), on parle alors d’administrateurs « statutaires ».

Dans les cas où la société opte pour une administration collégiale, le législateur a prévu un mécanisme de cooptation d’un administrateur lorsque la place d’un administrateur devient vacante avant la fin de son mandat, et ce afin d’assurer au maximum la continuité de l’administration (art 5:71 CSA). Les administrateurs restants ont alors le droit de coopter un nouvel administrateur. Cette possibilité peut cependant être exclue par les statuts. Selon le paragraphe 2 de l’article 5:71 du CSA, la première assemblée générale qui suit doit confirmer le mandat de l’administrateur coopté.


Statut, rémunération et durée du mandat de l’administrateur

Le CSA énonce désormais expressément que le mandat d’administrateur doit obligatoirement être exercé sous le statut d’indépendant (art. 5:70, § 1er, al. 2, CSA), et l’article 5:72 consacre également le principe admis sous l’ancien Code selon lequel un administrateur d’une SRL est rémunéré, à moins qu’il en soit stipulé autrement dans les statuts ou que l’assemblée générale n’en décide autrement. De plus, et conformément à l’article 2:50 du CSA, il reviendra à l’assemblée générale de fixer les conditions financières auxquelles le mandat d’un membre de l’organe d’administration est octroyé.

Les administrateurs peuvent être nommés par l’assemblée générale pour une durée limitée ou illimitée (art 5:70 §2 CSA). Lorsqu’un administrateur est nommé pour une durée limitée, le législateur prévoit dorénavant, sauf disposition statutaire contraire, que la durée de son mandat s’étend de l’assemblée générale qui l’a nommé, jusqu’à l’assemblée générale ordinaire ayant lieu dans l’année comptable durant laquelle son mandat prend fin selon la décision de nomination (art. 5:70, § 2, al. 2, CSA).


Décisions par écrit

Lorsque l’organe d’administration est collégial, les décisions peuvent être prises par écrit, via la rédaction d’un procès-verbal. La règle est exprimée de manière identique dans la SRL (art. 5:75, al. 2 CSA) et dans la SA (art. 7:95, al. 2 CSA). La condition d’unanimité subsiste, mais celle d’urgence disparaît. Il ne faut dès lors plus prouver d’urgence pour pouvoir prendre une décision par écrit.


Pouvoirs et fonctionnement

A l’instar de ce qui était prévu auparavant, chaque administrateur, ou, lorsque les statuts ont opté pour une gestion collégiale, l’organe d’administration collégial est toujours doté de compétences dites résiduaires, puisqu’il peut accomplir tous les actes utiles ou nécessaires à la réalisation de l’objet de la société, à l’exception de ceux réservés par la loi à l’assemblée générale (art. 5:73, § 1er, CSA).

En matière de gestion interne, les statuts pourront apporter des restrictions aux pouvoirs de chaque administrateur ou de l’organe d’administration collégial. Une telle restriction ne sera toutefois pas opposable aux tiers, même si elle est publiée. Il en va de même en cas de répartition des tâches entre les administrateurs, que ceux-ci forment un collège ou non (art. 5:73, § 1er, al. 2 et 3, CSA).

Quant au pouvoir de représentation externe, la règle par défaut prévue par le CSA est que chaque administrateur ou l’organe d’administration collégial représente la société à l’égard des tiers ou en justice. Les statuts pourront cependant prévoir que la société est représentée par un ou plusieurs administrateurs désignés à cet effet agissant seuls ou conjointement. Une telle clause de représentation générale sera opposable aux tiers, à condition d’être publiée conformément à l’article 2:18 du CSA (art. 5:73, § 2, al. 1er, CSA). A nouveau, les statuts pourront prévoir des restrictions au pouvoir de représentation qui seront inopposables aux tiers, même si elles sont publiées. Il en va de même pour la répartition des tâches entre les administrateurs ayant le pouvoir de représentation (art. 5:73, § 2, al. 2, CSA).


La délégation de la gestion journalière

Comme nous l’avons déjà évoqué dans une fiche plus générale consacrée à ce sujet, le législateur a introduit, notamment dans le régime de la SRL, la possibilité pour l’organe d’administration de déléguer à une ou plusieurs personnes, agissant seules, conjointement ou collégialement, la gestion journalière de la société, ainsi que la représentation de la société en ce qui concerne cette gestion (art. 5:79 CSA).

Sous l’ancien Code des sociétés, la notion de gestion journalière n’était pas définie par le législateur. Désormais, le CSA prévoit expressément que la gestion journalière comprend aussi bien les actes et les décisions qui n'excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société que les actes et les décisions qui, soit en raison de l’intérêt mineur qu'ils représentent soit en raison de leur caractère urgent, ne justifient pas l'intervention de l'organe d'administration (5:79, al.2. du CSA).

C’est l'organe d'administration qui a désigné l'organe de gestion journalière qui est chargé de la surveillance de celui-ci.


Les conflits d’intérêts

Les règles en matière de conflits d’intérêts ont été modifiées par le CSA, notamment afin de prendre en compte les trois formes différentes que peut prendre la gestion de la SRL.

Pour rappel, la notion de conflit d’intérêts recouvre l’hypothèse dans laquelle l'organe d'administration est appelé à prendre une décision ou se prononcer sur une opération relevant de sa compétence à propos de laquelle un administrateur a un intérêt direct ou indirect de nature patrimoniale qui est opposé à l'intérêt de la société.

La procédure de conflit d’intérêts décrite ci-après ne sera toutefois pas applicable lorsque les décisions de l'organe d'administration concernent des opérations habituelles conclues dans des conditions et sous les garanties normales du marché pour des opérations de même nature (art. 5:76, §5, al.2, du CSA).

Elle ne sera également pas applicable, à moins que l'administrateur unique soit également l'actionnaire unique, lorsque les décisions ou opérations sont conclues entre sociétés dont l'une détient directement ou indirectement 95 % au moins des voix attachées à l'ensemble des titres émis par l'autre ou entre sociétés dont 95 % au moins des voix attachées à l'ensemble des titres émis par chacune d'elles sont détenues par une autre société (art. 5:76, §5, al.1, du CSA).

L’article 5:76 du CSA distingue la procédure applicable en cas de conflit d’intérêts selon le mode de gestion choisi par la société :

• Si plusieurs administrateurs disposent d’un pouvoir de gestion concurrent :

Le paragraphe 1er de l’article 5:76 du CSA prévoit, dans ce cas, que l’administrateur qui se trouve en conflit d’intérêt doit en informer les autres administrateurs.

Sa déclaration et ses explications sur la nature de cet intérêt opposé doivent figurer dans le procès-verbal d’une réunion de ces autres administrateurs. Les autres administrateurs peuvent prendre la décision ou réaliser l'opération eux-mêmes. Dans ce cas, l'administrateur en situation de conflit d'intérêts ne peut prendre part aux délibérations des autres administrateurs concernant cette décision ou opération.

Le CSA prévoit que lorsque tous les administrateurs ont un conflit d'intérêts, la décision ou l'opération est soumise à l'assemblée générale. Si l'assemblée générale approuve la décision ou l'opération, l'organe d'administration pourra l'exécuter (art. 5:76, §1 et §2 du CSA).

• Si l'organe d'administration est un organe collégial :

Le paragraphe 2 de l’article 5:76 du CSA prévoit, dans ce cas, que la décision est prise ou l'opération accomplie par l'organe d'administration, sans que l'administrateur qui est en situation de conflit d'intérêts puisse participer aux délibérations de l'organe d'administration concernant cette décision ou opération, ni participer au vote à ce propos (art. 5:76, §2 du CSA).

Lorsque tous les administrateurs de cet organe collégial ont un conflit d'intérêts, la décision ou l'opération est soumise à l'assemblée générale. Si l'assemblée générale approuve la décision ou l'opération, l'organe d'administration pourra l'exécuter (art. 5:76, §1 et §2 du CSA).

• Si l’administrateur est unique :

Le paragraphe 2 de l’article 5:76 du CSA prévoit que cet administrateur qui se trouve en conflit d’intérêts doit soumettre la décision ou l'opération à l'assemblée générale (art. 5:76, §3 du CSA). Si l'administrateur unique est également l'actionnaire unique, il pourra prendre la décision ou réaliser l'opération lui-même (art. 5:76, §4 du CSA).

L’article 5:77 du CSA prévoit que les autres administrateurs, l'assemblée générale ou l'administrateur unique qui est également l'actionnaire unique devront décrire, dans le procès-verbal ou dans un rapport spécial, la nature de la décision ou de l'opération visée à l'article 5:76 ainsi que les conséquences patrimoniales de celle-ci pour la société et justifier la décision qui a été prise. Lorsque l'administrateur est aussi l'actionnaire unique, il devra également mentionner dans son rapport spécial les contrats conclus entre lui et la société.

Cette partie du procès-verbal ou ce rapport devra figurer dans son intégralité dans le rapport de gestion ou dans une pièce qui est déposée en même temps que les comptes annuels.

Si la société a nommé un commissaire, le procès-verbal ou le rapport devra lui être communiqué. Le commissaire devra alors évaluer les conséquences patrimoniales pour la société des décisions de l'organe d'administration ou de l'assemblée générale.


Révocation

La différence de statut entre les administrateurs désignés par l’assemblée générale et les administrateurs nommés dans le corps des statuts (les administrateurs statutaires) a des conséquences pratiques importantes, notamment sur la possibilité de révoquer ces administrateurs.

A. Révocation des administrateurs statutaires

Sous l’ancien Code, un gérant statutaire n’était révocable - sauf stipulation contraire dans les statuts ou accord unanime des associés - que pour de motifs graves (art. 256 C.soc).

Désormais, le CSA prévoit qu’un administrateur statutaire peut être révoqué :

• soit par une modification des statuts, qui requiert donc une décision prise par une assemblée générale extraordinaire à la majorité des trois quarts des voix exprimées (5:100 du CSA). L’administrateur statutaire qui détient des actions lui conférant plus d’un quart des voix se verra donc protégé. Par contre, l’administrateur statutaire qui détient des actions lui conférant moins d’un quart des voix ne sera plus protégé comme il l’était sous l’égide de l’ancien Code des sociétés. Heureusement, il est possible de renforcer les règles de révocation dans les statuts. Ainsi, les statuts peuvent prévoir une majorité renforcée voire une unanimité. Ils peuvent également imposer que la révocation soit motivée ;

• Soit pour de « justes motifs ». A noter que la notion de « motifs graves » disparaît au profit de la notion de « justes motifs ». En revanche, le Code ne prévoit pas la majorité requise pour voter cette révocation pour « de justes motifs ». L’exposé des motifs indique toutefois que « l’assemblée générale peut dans tous les cas, à la majorité simple, révoquer l’administrateur pour juste motif alors même qu’il serait désigné par les statuts. » (Doc. Parl., Ch.sess.ord. 2017-2018, n°54-3119/001, p.156.) A noter toutefois que, comme c’est également le cas pour l’administrateur non statutaire, la révocation pour « justes motifs » ne pourra être limitée ou exclue par les statuts. Il s’agit d’une règle impérative. Si l’administrateur conteste ce juste motif, il devra agir en justice. Si le juge n’accepte pas les justes motifs, il lui appartient de décider s’il est opportun de maintenir l’administrateur dans ses fonctions ou de l’indemniser pour sa révocation.

B. Révocation des administrateurs non statutaires

En revanche, les administrateurs qui ne sont pas désignés dans les statuts sont révocables ad nutum. En vertu de ce principe, l’assemblée générale peut mettre fin à tout moment, avec effet immédiat et sans motif, à la majorité simple, au mandat d’administrateur et ce, même si ce mandat est à durée déterminée. Ce principe est toutefois supplétif.

Le principe de la révocabilité ad nutum peut ainsi être exclu dans les statuts ou dans la décision de nomination de l’administrateur (art. 5:70, §3, al.2 du CSA).

Les statuts ou l’acte de nomination peuvent ainsi assortir la révocation de certaines modalités, en renforçant la majorité requise, en limitant les motifs justifiant la révocation, en indiquant expressément qu’il ne pourra être mis fin au mandat avant une certaine durée (sauf « justes motifs », cfr. infra), en prévoyant un délai de préavis ou une indemnité de départ, etc.

Par ailleurs, le CSA prévoit que, même si les statuts ou la décision de nomination ne le prévoient pas, l’assemblée générale peut décider, au moment de la révocation d’un administrateur, d’accorder un délai de préavis ou d’ octroyer une indemnité de départ, sauf si les statuts excluent expressément cette possibilité (art. 5:70, §3, al.3 du CSA).

Par conséquent, si la volonté est d’exclure catégoriquement la faculté pour l’assemblée générale de déroger au principe de la révocation ad nutum des administrateurs, il faudra veiller à le prévoir expressément dans les statuts, en excluant notamment la possibilité pour l’assemblée générale d’accorder un préavis ou une indemnité de sortie lors de la révocation de l’administrateur.
Le CSA prévoit, enfin, qu’en toute hypothèse, l’assemblée générale peut mettre fin au mandat d'un administrateur, pour de justes motifs, sans préavis ni indemnité. Ainsi, il n’est pas possible, dans cette hypothèse, de déroger à cette faculté de révocation, en la supprimant ou en la limitant (art. 5:70, §3, al.4 du CSA).


Démission

La règle généralement admise selon laquelle un administrateur peut également présenter lui-même sa démission à tout moment sans qu’elle doive être acceptée, pour autant qu’elle ne soit pas intempestive, est confirmée légalement au paragraphe 4 de l’article 5:70 du CSA. Dans ce cas, il doit, à la demande de la société, rester en fonction jusqu’à ce que la société puisse raisonnablement pourvoir à son remplacement. Afin d’éviter toute discussion lors de la publication, il est également confirmé qu’il peut lui-même publier la fin de son mandat, si la société reste en défaut de le faire.




Caroline Kempeneers
Avocat
Solis Law Firm



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