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Comment se calcule le délai d’appel en matière civile ?

Par Aurore Lefebvre & Thierry Corbeel

Mardi 18.02.20

1. La règle de base

En règle générale (cf. Note 1), en matière civile (cf. Note 2), le délai pour interjeter appel d’un jugement est d’un mois à compter de la signification du jugement (article 1051 du Code judiciaire).

Tout d’abord, qu’est-ce que la « signification » du jugement ?

En bref, il s’agit de la remise d’une copie celui-ci par exploit d'huissier de justice (article 32 du Code judiciaire). Ainsi, si le greffe ou votre adversaire vous envoie le jugement par courrier (recommandé ou non) ou par email, cette communication n’est pas une « signification » et elle ne fait donc pas courir le délai.

Ensuite, comment se calcule précisément le délai d’un mois ?

La loi (article 54 Code judiciaire) précise que les délais établis en mois se comptent de « quantième à veille de quantième », ce qui ne va sans doute pas aider à votre compréhension … .

En fait, pour calculer le délai, il sera nécessaire de procéder étape par étape pour éviter toute erreur (fatale !) :

1ière étape : Il faut fixer le point de départ du délai : le premier jour du délai est le lendemain du jour où le jugement a été signifié. Ce jour est appelé le ‘quantième’.

2ième étape : Ensuite, il faut ajouter un mois pour déterminer le ‘quantième suivant’. Par exemple, 23 septembre + 1 mois = 23 octobre.

À ce stade, si cette date tombe un jour férié ou durant un week-end, cela n’a pas importance.

3ième étape : Enfin, puisque selon la loi, le délai se compte « de quantième à veille de quantième », le délai se terminera la ‘veille du quantième suivant’ que vous avez précédemment déterminé à la deuxième étape.

Par exemple, si la signification a été faite le 23 septembre 2019, le délai commencera à courir le 24 septembre 2019 (= le ‘quantième’).

Le ‘quantième suivant’ tombera le 24 octobre.

Par conséquent, la ‘veille du quantième suivant’, c’est-à-dire le dernier jour pour introduire un recours, sera le 23 octobre.


2. Les exceptions

2.1. Que se passe-t-il si, le dernier jour délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié ?

Si le dernier jour du délai (la ‘veille du quantième suivant’) tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, alors la fin du délai sera reportée au premier jour ouvrable suivant.

Imaginons que le jugement ait été signifié le 1er avril 2019. Dans ce cas, le délai commencera à courir le 2 avril (1ière étape). Le ‘quantième suivant’ tombera le 2 mai (2ième étape). A priori, le dernier jour (la ‘veille du quantième suivant’) sera alors fixé le 1er mai 2019 (3ième étape).

Or, le 1er mai est un jour férié. Dès lors, la fin du délai sera reportée au premier jour ouvrable suivant, c’est-à-dire au jeudi 2 mai 2019.



2.2. Que se passe-t-il si le ‘quantième suivant’ n’existe pas (30 février, 31 avril, etc.) ?

Si le ‘quantième suivant’ n’existe pas, alors le délai expire le dernier jour de ce mois (Cass., 4 septembre 1995, Pas., 1995, I, p. 766).

Attention, en pareil cas, on n’applique donc pas la 3ième étape : le dernier jour du délai est le dernier jour du mois et non la veille du dernier jour du mois.

Par exemple, si le jugement est signifié le 30 janvier 2019, le ‘quantième suivant’ est le 31 février 2019. Or, le 31 février 2019 n’existe pas. Donc, le délai expire le dernier jour du mois de février, soit le 28 février 2019 et non pas le 27 février, veille du dernier jour de février.



2.3. Que se passe-t-il si le jour de la signification tombe durant les vacances judiciaires (du 1er juillet au 31 août) ?

Si le délai prend cours et expire durant les vacances judiciaires, alors la fin de délai sera prorogée jusqu’au 15ème jour de la nouvelle année judiciaire, soit en principe, jusqu’au 15 septembre suivant.

En pratique, vu les règles énoncées ci-dessus, il n'y aura de report au 15 septembre que si la décision aura été signifiée entre le 30 juin et le 31 juillet.



3. Les cas particuliers

Que se passe-t-il si la personne à laquelle le jugement est signifié est domiciliée à l’étranger ?

Si le jugement est signifié à une personne domiciliée à l’étranger, alors le délai de recours d’un mois sera augmenté d’un certain nombre de jours en fonction de l’éloignement par rapport à la Belgique (article 55 du Code judiciaire).

Nous avons :



Par exemple :



4. Notre conseil

Nous espérons vous avoir éclairé par cet article.

Néanmoins, au regard de la complexité des règles ainsi que des enjeux, si vous avez le moindre doute, consultez votre avocat !



Me Aurore Lefebvre
Avocat

Me Thierry Corbeel
Avocat spécialisé en droit commercial et en droit des sociétés






Notes :

(1) Attention, il existe des matières dans lesquelles le délai court à compter de la notification de la décision par le greffe, voire à compter du prononcé du jugement (voire notamment l’article 792, al. 2 et 3, l’article 1051, al. 1 et l’article 1052 al. 2 du Code judiciaire).

(2) Attention, les règles sont totalement différentes en matière pénale !












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