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Accords horizontaux: rappel des principes concernant les accords entre concurrents



Dans un monde de parfaite et libre concurrence, les entreprises s'efforcent d'améliorer sans cesse leurs produits (biens ou services) et de les vendre au prix le plus bas possible, afin de convaincre les consommateurs d'acheter leurs produits plutôt que ceux de leurs concurrents. L'existence d'une véritable concurrence entre les entreprises permet ainsi d'offrir au consommateur le meilleur produit au meilleur prix.

Les concurrents sont parfois tentés d'éviter de se concurrencer et de nouer des accords, le plus souvent secrets, afin de fixer eux-mêmes les règles du marché: établissement des prix, répartition des clients, répartition des territoires de vente, des appels d'offres, etc. Rassurées sur l'inoffensivité de leurs concurrents à leur égard, les entreprises se reposent alors sur leurs acquis (le segment de marché qui leur a été alloué dans le cadre de l'accord), négligeant d'améliorer leurs produits et renonçant à appliquer les prix les plus compétitifs.

Le droit de la concurrence est très sévère à l'égard des accords entre concurrents, qui ne sont admissibles qu'à des conditions strictes et limitées.


A. Les cartels

L'article 81 §1 du traité CE interdit les accords entre entreprises, les décisions d'associations d'entreprises et les pratiques concertées entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres de l'Union européenne et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

L'article 2 §1 de la loi belge sur la protection de la concurrence économique (LPCE) comporte une règle similaire pour les accords dont les effets se limitent au territoire belge.

Les accords restrictifs de concurrence conclus entre concurrents, également dénommés ententes horizontales ou cartels, figurent parmi les violations les plus graves du droit de la concurrence. Il s'agit notamment des accords par lesquels des entreprises concurrentes fixent les prix de leurs produits, se partagent les marchés (répartition géographique ou répartition des clients), se fixent des quotas de production, ou encore répondent de manière coordonnée aux appels d'offres.

Un accord ne doit pas nécessairement être écrit pour tomber dans le champ d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 2 LPCE. En effet, ces dispositions englobent également les pratiques concertées, c'est-à-dire une coordination entre entreprises qui, sans aller jusqu'à la conclusion d'un accord formel, adoptent sciemment une coopération pratique, par exemple par le biais de communications ou d'échanges d'informations qui ont pour but d'influencer le comportement des concurrents et donc le marché. Tel est le cas par exemple d'une entreprise qui communique à un concurrent la grille de prix qu'elle compte appliquer l'année suivante.


B. Les abus de position dominante collective

L'article 82 du traité CE et l'article 3 de la LPCE condamnent l'abus de position dominante (note 1) . Une entreprise en position dominante est celle qui détient sur le marché un pouvoir tel qu'elle est en mesure d'agir indépendamment de ses concurrents, de ses clients et de ses fournisseurs. On considère, en effet, que les entreprises en situation de position dominante sont investies d'une responsabilité accrue dans la préservation d'une véritable concurrence, qui les empêche d'adopter certaines conduites qui ne leur seraient pas reprochées si elles ne se trouvaient pas dans une situation de dominance. Parmi les abus de position dominante, on peut citer les pratiques d'exclusion (refus de vente par exemple), les prix excessifs, les prix prédateurs ou encore les prix discriminatoires (note 2) .

Deux ou plusieurs entreprises peuvent posséder ensemble une position dominante sur un marché donné. A ce titre, elles peuvent également être sanctionnées pour abus de position dominante collective s'il apparaît qu'elles coordonnent leurs comportements ou qu'elles adoptent une conduite identique sur le marché concerné. Tel est le cas d'un accord entre les deux principaux producteurs d'un bien déterminé visant à refuser de vendre leurs produits à un ou plusieurs clients déterminés pour le seul motif que ces derniers sont des concurrents sur le marché de la distribution desdits produits.

L'existence d'une certaine forme de connexion entre entreprises leur permettant de détenir ensemble une position dominante collective sur un marché donné peut notamment être déduite de l'existence d'accords, d'échanges systématiques d'informations ou d'autres liens (commerciaux, juridiques ou personnels) entre elles.


C. Les sanctions

La violation des règles du droit de la concurrence peut donner lieu à des amendes infligées par les autorités de concurrence (la Commission européenne ou les autorités nationales de concurrence des Etats membres de l'Union européenne) suite à une plainte d'un particulier (concurrent ou client) ou à une enquête menée par les autorités de concurrence de leur propre initiative. Les amendes ainsi infligées aux entreprises peuvent aller jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires (note 3) .

Outre les amendes, le non-respect des règles sur les ententes peut donner lieu à des dommages-intérêts dans le cadre d'actions judiciaires instituées par les personnes (entreprises ou particuliers) qui auraient été lésées par des comportements jugés anti-concurrentiels de la part d'une entreprise.


D. Les accords admissibles entre concurrents

Les accords entre concurrents qui portent sur la fixation des prix, le partage des marchés ou la limitation de la production sont presque toujours interdits en raison de leur caractère foncièrement nuisible pour la concurrence (leur objet étant précisément de restreindre la concurrence). Cependant, certains accords entre concurrents peuvent être déclarés compatibles avec le droit de la concurrence.

Pour ce faire, ils doivent remplir certaines conditions, fixées à l'article 81 §3 du traité CE (et à l'article 2 §3 LPCE): contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique et économique, tout en réservant aux consommateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans prévoir de restrictions à la concurrence qui ne seraient pas indispensables pour atteindre les objectifs en question et sans éliminer totalement la concurrence.

Les accords entre concurrents susceptibles de remplir ces conditions sont essentiellement les accords de recherche et développement ainsi que les accords de transfert de technologie (note 4) . En effet, bien que ces accords restreignent la concurrence, ils sont parfois nécessaires pour améliorer les produits et services ou développer de nouveaux produits. Ainsi, des produits qui nécessitent de gros investissements en recherche ne peuvent être offerts aux consommateurs que si plusieurs entreprises concurrentes mettent en commun leurs efforts pour les développer.

Ces deux types d'accords font l'objet de deux règlements d'exemption par catégorie (note 5) de la Commission européenne. Ces règlements énoncent les conditions dans lesquelles ces accords sont considérés comme compatibles avec le droit de la concurrence en application de l'article 81 §3 du traité CE.

Les accords de recherche et développement et les accords de transfert de technologie dont les effets sont limités au territoire belge peuvent être déclarés valides aux mêmes conditions.

Les accords qui ne remplissent pas les conditions prévues par les règlements d'exemption (par exemple parce qu'ils dépassent les seuils de parts de marché fixés) peuvent toujours prétendre à une exemption au titre de l'article 81 §3 du traité CE ou de l'article 2 §3 de la LPCE, à charge pour les entreprises concernées de démontrer que leurs accords remplissent les conditions prévues par ces dispositions.

Contrairement aux accords qui tombent dans le champ d'application de l'article 81 du traité CE, les comportements constitutifs d'abus de position dominante, s'ils sont avérés, ne peuvent donner lieu à aucune exemption. La seule option offerte à l'entreprise ou aux entreprises possédant une position dominante (collective) sur un marché déterminé et à laquelle (auxquelles) un comportement abusif est reproche est de démonter que le comportement en question est économiquement et objectivement justifié (préservation des intérêts commerciaux sans intention d'éliminer la concurrence) et qu'il ne peut donc être considéré comme abusif.





Bénédicte Raevens (Avocat associé au cabinet McGuireWoods Bruxelles)

Pol Cools (Avocat au cabinet McGuireWoods Bruxelles)




Notes:


(1) Voir Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus utilisés en droit de la concurrence.

(2) Voir Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus utilisés en droit de la concurrence.

(3) Les amendes atteignent parfois des montants très élevés. Ainsi, le 21 février 2007, la Commission européenne a infligé une amende totale de 992 millions EUR aux quatre membres d'un cartel actif sur le marché de l'installation et de l'entretien des ascenseurs et des escaliers mécaniques dans le Benelux et en Allemagne pour avoir, pendant près de neuf ans, truqué des appels d'offres, réparti les marchés, fixé les prix et échangé des informations commerciales confidentielles. Il s'agit de l'amende la plus élevée jamais imposée à ce jour à un cartel.

(4) Pour des précisions quant au contenu de ces accords, voir Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus utilisés en droit de la concurrence.

(5) Voir Fiche Pratique: Glossaire des termes les plus utilisés en droit de la concurrence.



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