Imprimer

Livre V : La SRL (4) – la constitution de la SRL



Le CSA a apporté plusieurs modifications aux règles prévues par l’ancien Code des sociétés en matière de constitution de la SRL.
Désormais, les principes sont les suivants :

Fondateur(s)

Outre la possibilité de constituer une SRL à plusieurs personnes (morales ou physiques), le CSA permet que celle-ci puisse également être constituée par un seul et unique fondateur. Le CSA prévoit, en effet, qu’une société n’est plus constituée par un contrat mais par un « acte juridique » (art. 1:1 CSA).

Il est vrai qu’auparavant, le Code des sociétés prévoyait déjà la possibilité de constituer une SPRL unipersonnelle (SPRLU) (art. 211 C. soc.). Il existait toutefois des contraintes liées à ce type de société (pour plus de détails, voir fiche consacrée à la nouvelle définition de la société). Le CSA supprime ces contraintes.

Nous verrons, ci-après, que le CSA innove également en prévoyant désormais que certains comparants à l’acte constitutif d’une SRL puissent être considérés comme simples souscripteurs, ce qui a un impact en matière de responsabilité.

Capitaux propres de départ suffisants

Comme nous le savons, le CSA abandonne la notion de capital social au profit d’une approche qui est plus en phase avec la réalité économique, à savoir la preuve de l’existence de « capitaux propres qui, compte tenu des autres sources de financement, sont suffisants à la lumière de l’activité projetée » (art. 5:3 CSA).

Ceci implique de grands changements, notamment au moment de la constitution de la SRL lors de laquelle il n’est plus obligatoire de constituer un capital minimum de 18.550 EUR. Il n’y a donc plus de capital minimum à apporter ou à maintenir dans la société et il n’y a plus non plus de montant de capital à inscrire dans les statuts. Nous verrons également que cette disparition du capital a pour effet de rompre le rapport proportionnel qui existait entre les apports de chaque actionnaire et les droits sociaux qui leur étaient accordés en échange. Désormais, avec le CSA, il est possible de fixer librement les droits accordés aux actionnaires en contrepartie de leurs apports (pour plus de détails, voir la fiche consacrée aux conséquences de la suppression du capital dans la nouvelle SRL).

Plan financier renforcé

Les fondateurs doivent, préalablement à la constitution de la société, rédiger un plan financier dans lequel ils justifient le montant des capitaux propres de départ qu’ils considèrent comme suffisants à la lumière de l'activité projetée de la société, et ce pendant une période d'au moins deux ans (art 5:4, § 1 CSA).

Cette exigence existait déjà auparavant (art. 215 C. Soc.). Cependant, en raison du remplacement de l’exigence pour les SRL d’avoir un capital minimum par l’obligation de prévoir un patrimoine initial suffisant, le plan financier a été renforcé par le nouveau CSA. Celui-ci indique désormais les mentions qui doivent obligatoirement figurer dans le plan financier (art. 5:4 §2 CSA), alors que l’ancien Code n’en réglait pas le contenu. Le législateur espère ainsi contrebalancer l’absence de capital social en évitant les plans financiers lacunaires ou irréfléchis. Les fondateurs doivent réfléchir à l’activité projetée et mettre à disposition de la société les moyens financiers nécessaires. Les fondateurs peuvent se faire aider par un expert externe pour la rédaction d’un plan financier. Afin de ne pas alourdir les frais de constitution, il a cependant été décidé de ne pas rendre obligatoire une telle assistance (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2017-2018, n° 54-3119/001, p. 129).

Nous verrons, ci-après, que le plan financier revêt une importance capitale pour l’appréciation de la responsabilité des fondateurs en cas de faillite de la société dans les trois ans.

Apports et libération des apports

L’absence de capital ne signifie cependant pas que les apports disparaissent. L’apport reste au contraire une condition indispensable pour constituer une société et pour obtenir des actions en rémunération de ces apports (art. 1:1 et 5:40 CSA). Etant donné la suppression du capital, le CSA n’indique pas un montant minimum d’apports à effectuer, mais il maintient l’exigence de fonds propres de départs suffisants (art. 5:3 CSA).

En tout état de cause, il est nécessaire de réaliser au moins un apport au moment de la constitution, afin qu’une action puisse être émise. En effet, conformément à l’art. 5:40 CSA, la SRL doit émettre au moins une action, et chaque action est émise en contrepartie d’un apport. Par contre, et conformément à l’article 5:8 CSA, les fondateurs peuvent déroger dans l’acte constitutif à l’obligation de libérer intégralement les apports au moment de la constitution.

Nouveauté notable en matière d’apports, le CSA autorise désormais les apports en industrie dans la SRL. L’apport en industrie est l’engagement de l’apporteur de consacrer son activité et ses connaissances professionnelles aux affaires de la société. Cela correspond donc à un engagement concernant l’exécution d’une tâche, d’un travail déterminé ou de prestations de services futurs. Ces apports sont considérés comme une sous-catégorie d’apports en nature, et sont donc admis sans restriction, tout en étant soumis aux règles applicables aux apports en nature, notamment quant à leur évaluation par un réviseur d’entreprises (art. 5:7 CSA).

Pour le surplus, nous renvoyons à la fiche consacrée aux apports dans la nouvelle SRL.

Formalités de constitution et nullité

Conformément à l’article 5:11 du CSA, la SRL doit être constituée par un acte authentique auquel comparaissent tous les actionnaires en personne ou par porteurs de mandats authentiques ou privés.

De plus, outre les informations qui doivent figurer dans l’extrait à publier de l’acte constitutif de toute personne morale en vertu de l’article 2:8, § 2 du CSA, l’article 5:12 du CSA indique de façon succincte toutes les informations que les fondateurs doivent obligatoirement faire figurer dans l’acte constitutif de la SRL.

Une SRL pourra ainsi être déclarée nulle dans les cas où l’acte constitutif n’a pas été établi en la forme requise de l’acte authentique ou lorsque celui-ci ne contient aucune indication au sujet de la dénomination, de l’objet de la société et des apports. La nullité sera également prononcée lorsque l’objet de la société est illicite ou contraire à l’ordre public, ou encore lorsqu’il n’y a aucun fondateur valablement engagé (art 5:13 CSA).

Responsabilité des fondateurs lors de la constitution de la SRL

Une distinction est dorénavant clairement établie entre les obligations de garantie auxquelles les fondateurs sont tenus et qui sont définies à l’article 5:15 du CSA, et les causes de responsabilité qui sont énumérées à l’article 5:16 du CSA.

En ce qui concerne l’obligation d’avoir des capitaux suffisants lors de la constitution de la SRL, la sanction est la même que précédemment : si la société est déclarée en faillite dans les trois ans de l’acquisition de la personnalité juridique, les fondateurs peuvent être déclarés responsables des engagements de la société, dans une proportion fixée par le juge, si les fonds propres de départ étaient manifestement insuffisants (art. 5:16, 2° CSA). Le plan financier, pour autant qu’il soit correctement rédigé, protège les fondateurs à cet égard car il permet au juge d’apprécier leur responsabilité sur base de la situation et des informations existantes au moment de la constitution.

Il faut toutefois noter une nouveauté apportée par le CSA, à savoir la possibilité pour certains comparants à l’acte constitutif - qui doit être dressé sous forme d’acte authentique (art. 5:11 CSA) - de ne pas être considérés comme des fondateurs, mais comme de simples souscripteurs et d’ainsi, échapper à la responsabilité des fondateurs prévue à l’article 5:16 du CSA. Il s’agit d’une règle qui était auparavant uniquement réservée à la société anonyme (art. 450, al. 2, C. soc.), et qui se trouve désormais étendue à la SRL. Conformément au nouvel article 5:11, al. 2 du CSA, lorsque des fondateurs possèdent au moins un tiers des actions, les autres comparants à l’acte constitutif qui se bornent à souscrire des actions contre un apport en numéraire, sans bénéficier, directement ou indirectement, d’un quelconque avantage particulier, peuvent être considérés comme simples souscripteurs.





Caroline Kempeneers
Avocate - Médiatrice agréée en matière civile et commerciale
Solis Law Firm


Consultez également nos autres fiches en « droit des sociétés », en suivant ce lien : www.droit-societes.be




Imprimer cette fiche (format A4)