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La SPRL STARTER



La loi du 12 janvier 2010 relative à la SPRL Starter est entrée en vigueur le 1er juin 2010, en vertu de l’arrêté royal du 27 mai 2010.

Cet arrêté royal détermine également les critères qui devront être présents dans le plan financier qui devra être rédigé par le(s) fondateur(s) de la SPRL Starter.


1. RATIO LEGIS

Cette loi est fondée sur les considérations suivantes :

Le montant nécessaire pour constituer le capital minimum de départ d’une société à responsabilité limitée est parfois difficile à obtenir ou n’est pas à disposition des fondateurs.

Ceci n’a pas été pas amélioré à l’époque par la crise boursière et financière qui a réduit l’accès aux capitaux auprès des établissements de crédit, ces derniers exigeant pour l’octroi de crédits des sûretés (caution ou hypothèque) qui annihilent partiellement le bénéfice de la responsabilité limitée puisque le(s) fondateur(s) seront tenus personnellement, du moins envers ce créancier.

A défaut d’avoir ce capital social (qui constitue le gage commun des créanciers, raison notamment pour laquelle on accorde la responsabilité limitée à une société), commencer en entreprise en personne physique ou à travers une société sans responsabilité limitée réduit très souvent en pratique les initiatives entrepreneuriales, vu le risque de faillite (puisque même si celle-ci suspend les mesures d’exécution à l’égard du commerçant, après la clôture de celle-ci, les créanciers non payés par la procédure de liquidation menée par le curateur retrouveront leurs droits à l’égard du failli).

Ces considérations pratiques ont mené le législateur belge à réfléchir et à trouver une manière d’aménager cette exigence de capital de départ afin que les entrepreneurs qui ne pourraient pas ou ne désireraient pas en avoir un pour commencer leur activité puisse lancer quand même celle-ci afin de constituer le capital social à partir des bénéfices qui seront issus de cette activité dans un délai donné.

Le législateur devait d’autant plus le faire que des formes sociétales sans capital de départ existent dans des autres pays européens : Royaume Unis, où on constitue une « limited private company » avec très peu de coûts et sans capital, en France où l’article L 223-2 du Code de commerce supprime l’exigence d’un capital minimum pour la SARL, tout comme en Allemagne avec la « mini GmbH » (§5 GmbH Gezetz) depuis novembre 2008, etc.

Dans le cadre de ce qu’on a appelé le PLAN D’ACTION PME (octobre 2008, le conseil des Ministres a déposé le 22 avril 2009 modifiant le code des sociétés et prévoyant les modalités de la SPRL STARTER.

Ce projet a été approuvé par la Chambre des représentants le 13 novembre 2009 et a été entériné par la loi du 12 janvier 2010, qui entrée en vigueur en vertu de l’arrêté royal du 27 mai 2010.

Il faut bien garder à l’esprit que la SPRL STARTER est une SPRL, avec des différences qui se situent principalement au niveau de la qualité des fondateurs et associés, des formalités de constitution, du capital de départ et de la gestion de la SPRL STARTER.

Pour le surplus, les règles qui régissent la SPRL s’appliquent.


A. FONDATEURS ET ASSOCIES

Une SPRL STARTER ne peut être constituée que par une ou plusieurs personnes physiques pour autant qu’aucune d’entre elles ne possèdent plus de 5% des droits de vote dans une autre société.

Afin d’éviter que cette règle ne soit très simplement contournée, la loi prévoit que les titres de la SPRL STARTER ne peuvent pas être cédés à une personne morale par la suite, jusqu’à ce que la SPRL STARTER se transforme en SPRL classique.
Le fondateur d’une SPRL STARTER qui possèderait plus de 5% des votes dans une autre SPRL ou qui constitue par la suite une SPRL, sera solidairement tenu des engagements de cette dernière envers les intéressés tant que la SPRL STARTER ne se sera pas transformée en SPRL classique.
La mention « starter » doit accompagner toute nomination de sa forme sociétale. L’abréviation de la forme juridique est « SPRL – S ».


B. FORMALITES DE CONSTITUTION ET CAPITAL DE LA SPRL STARTER

Le capital de la société à la constitution est de 1 € (cf. Note 1) et la société dispose d’un délai de 5 ans pour le porter (par des augmentations de capital) au montant de 18.550 €, moment auquel la SPRL STARTER se transformer en SPRL classique. Elle devra également atteindre obligatoirement ce capital si pendant cette durée de 5 ans cinq personnes sont engagées à temps plein.

Cette évolution du capital vers le seuil de 18.550 € est notamment assurée par l’obligation d’affecter 25% des bénéfices annuels dans la réserve légale.
Afin de forcer les associés à atteindre le plus rapidement possible le capital minimum d’une SPRL classique, ils seront tenus personnellement partir de la 4ème année de la constitution de la SPRL STARTER de la différence entre le capital actuel de celle-ci et 18.550 €. Tout intéressé pourra engager la responsabilité personnelle des associés pour montant.
Une fois que le capital de 18.550 € sera intégralement souscrit, la SPRL devra modifier ses statuts pour devenir une SPRL classique et supprimera l’adjonction « starter » ou « S » de la dénomination de sa forme juridique.
Tant que la SPRL n’a pas atteint le capital de 18.550 €, la société ne pourra faire aucune réduction de capital.

Le plan financier de la société doit être rédigé avec l’assistance d’un professionnel, à savoir un réviseur d’entreprise, un comptable, etc. Les critères obligatoires devant se retrouver dans le plan financiers ont été définis par l’arrêté royal du 27 mai 2010 et la Commission des Normes comptables a publié le 19 mai 2010 un Avis sur les modalités pratiques à respecter pour l’élaboration de ce plan financier.

La méthode qui a été retenue est la suivante (cf. Note 2) :

Le plan financier doit comporter quatre parties essentielles :

1. la description de la société : la dénomination sociale, la forme juridique de la société, le siège social, le nom des fondateurs, le capital souscrit et libéré, l’objet social.

La CNC ajoute les informations suivantes : la durée de l’exercice social, le(s) nom(s) de(s) chef(s) d’entreprise, le siège d’exploitation de la société (si applicable), les coordonnées de l’expert en question consulté.

Normalement, ces informations sont déjà disponibles à un stade antérieur de la constitution et celles-ci doivent également être fournies aux différentes instances, ce qui rend utile leur centralisation au sein du volet administratif du plan financier

2. un bilan projeté, qui doit contenir un bilan à l’ouverture (cf. Note 3) , un bilan après douze mois et un bilan après vingt quatre mois. Ce délai de vingt quatre mois au total est déterminé par référence à la règle selon laquelle les fondateurs sont tenus personnellement des engagements de la société dans la mesure déterminée par le juge si la société tombe en faillite dans les trois ans de sa constitution et que le capital social de la société était manifestement insuffisant pour pouvoir assurer l’exercice social pendant au moins deux ans (cf. Note 4) . Dans le cas de la SPRL Starter, on ne parle pas de capital (au point de vue comptable du terme) mais de « fonds propres et de moyens subordonnés ».

Le but poursuivi par le législateur est de faire réaliser au(x) fondateur(s) quels sont les besoins de financement de l’activité envisagée (cf. Note 5) pour assurer au moins deux ans d’exercice social.

La période de vingt-quatre mois peut être scindée de manière inégale afin de la faire correspondre avec les exercices comptables projetés. Si la société est constituée (cf. Note 6) en cours d’année calendrier, les fondateurs qui désirent faire coïncider l’exercice social avec l’année civile, prévoiront un premier exercice social de plus de douze mois (cf. Note 7) , réaliseront le second bilan à douze mois de la constitution et le troisième après le nombre de mois restant pour atteindre vingt-quatre mois à compter du bilan d’ouverture.

Ces bilans sont habituellement réalisés après affectation. Le schéma à suivre est celui qui est prévu à l’article 88 de l’arrêté royal du 31 janvier 2001portant exécution du Code des sociétés. Les Petites Sociétés (au sens de l’article 15 du Code des sociétés : moins de 50 travailleurs, dont le chiffre d’affaires annuel HTVA est inférieur à 7.300.000 € ou qui ont un total de bilan inférieur à 3.650.000 € - sauf dans ces deux derniers cas si elle emploie plus de 100 travailleurs) peuvent quant à elle utiliser le schéma simplifié prévu par l’article 92 de l’arrêté royal d’exécution du Code des sociétés.

3. Deux comptes de résultats projetés qui doivent couvrir deux périodes de douze mois. Le schéma à suivre peut être celui de l’article 89 de l’arrêté royal d’exécution du Code des sociétés (cf. Note 8) . Ici aussi il est loisible au(x) fondateur(s) de distinguer différentes périodes dans la période totale de vingt-quatre mois, à condition bien entendu que cela soit cohérent avec les périodes des bilans dont question ci-dessus.

4. Deux tableaux (cf. Note 9) de financement projeté : le but du modèle de plan financier pour la SPRL Starter est de confronter le(s) fondateur(s) aux besoins de liquidités qui doivent être mis à disposition pour exercer au moins deux années d’activités. Pour ce faire, il faut pouvoir prévoir et calculer toutes les éventuelles modifications qui auront lieu pendant ce laps de temps, ce qui nécessite la rédaction d’un tableau des ressources (cf. Note 10) et emplois (cf. Note 11) .

Les fondateurs peuvent prévoir plus de périodes (que les deux prévues à douze et vingt-quatre mois), pour effectuer les changements, en parallèle avec les périodes des bilans dont question ci-dessus. Ces ressources et emplois doivent ensuite être corrigés afin d'épurer les recettes et dépenses hors caisse. Les fondateurs doivent effectuer au moins trois corrections pour autant que les données figurent dans les bilans et comptes de résultats projetés de la société.

Nous renvoyons au texte du commentaire de l’arrêté royal pour les aspects techniques.


C. GESTION

Au point de vue de la gestion de la SPRL STARTER, celle-ci ne peut être assurée que par une ou plusieurs personne(s) physique(s).


D. AUTRES MODIFICATIONS CONSEQUENCES DU STATUT PARTICULIER DE LA SPRL STARTER

Très logiquement, les procédures prévues par les articles 332 et 333 du Code des sociétés (obligation de convoquer une assemblée générale extraordinaire lorsque l’actif net de la société est inférieur à, respectivement, la moitié ou le quart du capital social) ne sont pas applicables à la SPRL STARTER.

L’obligation de libérer au minimum 12.400 € pour constituer une SPRLU ne se conçoit bien entendu pas pour une SPRL STARTER.


E. QUELQUES CONSIDERATIONS PRATIQUES

Si le projet de SPRL STARTER est tout à fait louable en ce qu’il permet à entrepreneurs n’ayant pas accès au capital minimum pour constituer une SPRL classique, il n’en demeure pas moins que des fonds sont souvent nécessaires en pratique au lancement d’une activité commerciale (pour payer les frais de notaire à la constitution, constituer une garantie locative, acheter un stock minimum, aménager un bureau, etc.).

On conçoit dès lors mal l’avantage de créer une SPRL STARTER dans la mesure où le montant de 6.200 € à libérer obligatoirement à la constitution d’une SPRL (ou 12.400 € pour une SPRLU) constitue ce minimum souvent nécessaire au lancement de l’activité commerciale. La SPRL classique reste ensuite créancière des fondateurs et associés pour la partie non libérée du capital et en cas de faillite, le curateur pourra réclamer ce solde afin de payer les intéressés, sans que les associés ne soient obligés de libérer le capital intégralement dans un délai de 5 ans comme dans une SPRL STARTER.

L’obligation de rédiger le plan financier avec l’aide d’un professionnel est une très bonne chose. Il permettra d’attirer l’attention des fondateurs sur la manière dont les investissements nécessaires seront alloués et justifiant que les ressources dont la société dispose sont raisonnablement suffisantes pour développer l’activité commerciale.

Ces ressources sont en pratique bien entendu financières et il est, sauf activité professionnelle particulière, illusoire de croire qu’on peut commencer et développer une activité commerciale sans un apport de départ suffisant. L’idée de constituer une société sans capital est donc intéressante mais il faudra de toute manière que l’entrepreneur dispose de ces ressources pour lancer son activité, même si elles doivent s’appeler autrement que « capital social ».

On ne comprend pas très bien pourquoi la gestion de la SPRL STARTER doit être limitée à une personne physique puisque tout gérant personne morale doit désigner son représentant permanent qui engage sa responsabilité personnelle comme si la gestion était exercée par une personne physique.

Au point de vue fiscal, il y a également une difficulté pratique.

En effet, le taux de base d’imposition des sociétés est en principal de 33%. Pour les petites entreprises, le législateur a prévu, sous respect de certaines conditions un tarif réduit. Quant le revenu imposable d’une société ne dépasse pas 322.500 € (ce qui pour une SPRL Starter sera vraisemblable), le taux d’imposition sera de 24,25% pour un chiffre de 0 € à 25.000 €, de 31% pour un chiffre de 25.000 € à 90.000 € et de 34,50% quand le chiffre est entre 90.000 € et 322.500 €.

Dans six cas, ce tarif réduit ne pourra cependant pas être appliqué, dont l’un est celui d’une société dans laquelle le versement d’un dividende est supérieur à 13% du capital libéré au début de la période d’imposition.

Pour un société qui a peu de capital (comme une SPRL Starter), il ne peut donc pas y avoir de versement de dividende si elle veut bénéficier du taux réduit.

En outre, la loi définit dans ce contexte le capital libéré comme la partie du capital qui est versé en pratique, sans qu’il y ait eu de réduction de capital ou de remboursement du capital (article 2,6° et 184, 1er alinéa du CIR 92). Les commentaires administratifs correspondant indiquent quant à eux que les réserves indisponibles (qui sont constituées dans les SPRL Starter par des prélèvements de 25% sur les bénéfices distribuables) ne sont pas considérées comme du capital libéré.

Dés lors, tant qu’elle n’est pas capitalisée suffisamment (et si donc on suit l’obligation légale de capitaliser à 18.550 € dans un délai de cinq ans à compter de la constitution), la SPRL Starter ne pourra manifestement pas bénéficier du taux réduit d’imposition des sociétés.

Dernièrement, pour pouvoir bénéficier du taux réduit de 15% de précompte mobilier alloués aux associés, les parts de la SPRL Starter doivent avoir été émise après le 1er janvier 1994 (ce qui sera bien entendu le cas pour une SPRL Starter) en représentation d’apports en numéraires et doivent faire l’objet d’une inscription nominative chez l’émetteur (l’article 269 du CIR 92, 3ème alinéa).




Pierre Paulus de Châtelet
Avocat au barreau de Bruxelles - Association De Caluwé & Horsmans




Notes:

(1) Il n’y a pas d’obligation de déposer des fonds sur un compte bancaire ouvert au nom de la société en formation et il n’y a pas non plus d’attestation notariale de libération du capital.

(2) Le gouvernement n’a pas retenu l’option de baser le tableau des flux de trésorerie de l’International Accounting Standarts (IAS7) pour deux raisons : (i) il ne souhaitait pas depuis longue date introduire le cadre IAS/IFRS dans le droit comptable belge et (ii) l’IAS est une méthode comptable relativement complexe qui nécessite qu’on y consacre beaucoup de temps, ce qui ne convient pas aux entrepreneurs d’une nouvelle petite entreprise.

(3) Dans de nombreux cas, ne consistera qu'en un compte bancaire à l'actif et en capitaux bancaires au passif.

(4) Article 229, 5° du Code des sociétés.

(5) Incluant les actifs immobilisés, la gestion des stocks, des commandes, des factures ouvertes, etc.

(6) Comme c’est le cas pratiquement tout le temps.

(7) Pour en faire coïncider la fin avec la fin du calendrier civil, soit au 31 décembre.

(8) Dans la mesure où le schéma abrégé de l’article 93 de l’arrêté royal d’exécution du Code des sociétés ne dissocie pas précisément les produits et charges d’exploitation.

(9) Au minimum.

(10) Une ressource implique un avoir supplémentaire acquis par la société. C'est le cas avec une augmentation du passif sous la forme d'une augmentation de capital ou de l'obtention de crédits supplémentaires. C'est également le cas lorsqu'il y a aliénation d'un actif..

(11) Un emploi implique l'utilisation d'avoirs. A titre d'exemples : des investissements, le remboursement de crédits, l'octroi d'un crédit client et la détention de stocks.

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