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Les « quasi-apport » (catégorie hybride d’apports)



Les règles concernant les quasi-apports ont pour but de prévenir les risques de surévaluation des apports par le contournement des règles sur les apports en nature dans l’hypothèse suivante : un fondateur, un actionnaire, un administrateur ou gérant fait un apport en numéraire à la société pour un montant déterminé, montant avec lequel la société s’engage à acquérir un bien appartenant à ce fondateur (actionnaire, administrateur ou gérant) et ce dans les deux ans de la constitution de la société.

Il s’agit donc de l’opération par laquelle :

• un fondateur, un actionnaire, un administrateur ou un gérant, ou une personne agissant pour leur compte mais en son propre nom, vent à la société un bien (corporel ou incorporel) lui appartenant ;

• dans les deux ans de la constitution (date de la passation de l’acte authentique de constitution),

• pour une valeur au moins égale à 1/10ème du capital souscrit.


Procédure à suivre

Le Code des société impose que la décision d’acquisition soit prise par l’assemblée générale de la société et, afin d’éviter une surévaluation de cet apport « indirect », la rédaction préalable de deux rapports.

Le premier rapport est celui de l’organe de gestion de la société, qui doit justifier les raisons pour lesquelles il considère que l’acquisition du bien appartenant au fondateur, administrateur, gérant ou actionnaire, sera utile pour la société et les activités qui y seront développées.

Ce rapport est transmis, sous forme provisoire (v. ci-dessous si le conseil n’est pas d’accord avec le rapport du commissaire), au commissaire aux comptes de la société ou, si cette dernière n’en a pas, à un réviseur d’entreprise (et non un expert comptable) nommé par l’organe de gestion.

Ce dernier est tenu de rédiger à son tour un rapport dans lequel il indiquera et décrira :

• le nom du propriétaire du bien ;
• le bien objet de l’acquisition ;
• la rémunération effectivement attribuée en contrepartie de l’acquisition ;
• les méthodes d’évaluation qui sont utilisées ;
• si les valeurs auxquelles conduisent ces méthodes d’évaluation correspondent au moins à la contrepartie de l’acquisition ;

Il n’appartient pas au commissaire de se prononcer sur l’opportunité de l’acquisition pour la société.

Si l’organe de gestion n’est pas d’accord avec certains éléments du rapport du commissaire, il complétera son rapport (celui-ci devenant alors définitif) en mentionnant les raisons pour lesquelles il pense devoir s’écarter des conclusions de celui-ci.

Le rapport du commissaire est annexé au rapport de l’organe de gestion et ils sont tous deux déposés au greffe du Tribunal de commerce et publiés par extrait au Moniteur Belge, avant l’assemblée générale amenée à se prononcer sur l’acquisition.

Les deux rapports sont annoncés dans l’ordre du jour qui est repris dans la convocation à l’assemblée générale qui sera amenée à décider de l’acquisition. Ils doivent être à la disposition des actionnaires ou associés. Si l’assemblée générale se prononce en l’absence d’un de ce ces rapports ou des deux, la décision d’acquérir est nulle.

L’organe de gestion doit présenter à l’assemblée générale les deux rapports (des sanction pénales et la responsabilité des administrateurs ou gérants (458 C. Soc) peuvent en sanctionner le manquement).

Il n’y a pas de quorum spécial à respecter pour la prise de décision et un vote à la majorité suffit pour emporter l’assentiment à l’acquisition.

Les règles concernant les quasi-apports s’appliquent également aux engagements pris au nom de la société en formation.


Cas dans lesquels cette procédure ne doit pas être suivie

Il y a quelques hypothèses dans lesquelles le Code des sociétés considère qu’il n’y a pas de risque de surévaluation des quasi - apports.

Le premier cas est celui de l’acquisition conclue dans le cadre d’opérations courantes conclues aux conditions et sous les garanties normalement exigées par la société pour les opérations de même espèce.

Cette notion relève de l’appréciation de fait. La doctrine fait référence à la notion de gestion journalière pour déterminer celle d’opérations courantes. Cependant, ces deux notions ne se recoupent pas toujours et il n’est dès lors pas exact de s’y référer purement et simplement.

L’arrêté royal du 8 octobre 2008 a introduit deux hypothèses qui remplissent cette condition :

• si l’élément d’actif objet du quasi-apport a été déjà évalué par un réviseur d’entreprise au cours des six mois précédents, conformément aux règles d’évaluation reconnus (v. les « international valuation standards » et les « international private equity and venture capital guidelines » ;

• si l’élément d’actif objet du quasi-apport est évalué à la valeur qui se trouve dans les derniers comptes annuels du vendeur, qui auront été contrôlés par le commissaire aux comptes et que son rapport contienne une attestation sans réserve.

Le second cas est celui de l’acquisition conclue dans le cadre d’opération en bourse. Dans cette hypothèse en effet, le prix étant déterminé par le jeu de l’offre et de la demande, il n’est théoriquement pas possible de pouvoir surévaluer le prix d’acquisition. Cette règle a été introduite plus précisément dans le code des sociétés par l’arrêté royal du 8 octobre 2008 qui prévoit qu’un rapport d’un réviseur d’entreprise n’est pas nécessaire, dans les SPRL, SA et SCRL, lorsque le quasi apport porte sur des si l’apport consiste en des valeurs mobilières (actions, obligations, etc.) du marchés monétaire et que leur évaluation consiste pour l’apport en la moyenne de la valeur à laquelle ils ont été négocié durant les trois derniers mois avant l’apport ;

La troisième exception concerne les acquisitions résultant d’une vente ordonnée par justice, hypothèses dans lesquelles il est peu probable que le prix d’acquisition puisse être surévalué.


Dans ces hypothèses, l’apport fera dans tous les cas l’objet d’une déclaration est déposée au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social, dans le mois suivant la date effective de l'apport. Cette déclaration contient :

• une description de l'apport concerné ;
• le nom de l'apporteur ;
• la valeur de cet apport, l'origine de cette évaluation et, le cas échéant, le mode d'évaluation ;
• la valeur nominale des parts ou, à défaut de valeur nominale, le nombre des parts émises en contrepartie de chaque apport ;
• une attestation précisant si les valeurs obtenues correspondent au moins au nombre et à la valeur nominale ou, à défaut de valeur nominale, au pair comptable et, le cas échéant, à la prime d'émission des parts à émettre en contrepartie de cet apport
• une attestation selon laquelle aucune circonstance nouvelle susceptible d'influencer l'évaluation initiale n'est survenue.

Un rapport de réviseur sera quand même exigé si des circonstances exceptionnelles ou des circonstances nouvelles affectent la valeur de l’actif vendu ou lorsque un ou plusieurs associés détenant seul ou de concert plus de 5% du capital en font la demande.




Pierre Paulus de Châtelet
Avocat au barreau de Bruxelles - Association De Caluwé & Horsmans



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